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Histoires Web vendredi, janvier 31
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CINÉ+ OCS – À LA DEMANDE – FILM

Le deuxième long-métrage de Dani Rosenberg, après un premier essai foutraque autour du décès paternel (La Mort du cinéma et de mon père aussi, 2021),  renoue avec la vigueur du jeune cinéma israélien, une façon de convertir la rage en mouvement. De fait, ce nouveau film n’est d’abord rien d’autre que le récit d’une course, lancée aux trousses d’un personnage fonçant tête baissée dans la clandestinité.

Tout commence en état de siège, au sein d’un immeuble défoncé de Beit Hanoun, dans la bande de Gaza, où s’abrite un bataillon de l’armée israélienne. Au moment d’évacuer l’endroit, Shlomi (Ido Tako), un soldat de 18 ans effectuant son service militaire, décide de rester en arrière. En décrivant un pas de côté, il sort de son rôle de combattant, aussi bien que de la logique guerrière et du narratif politique qui président aux affrontements. Son geste inaugural est ainsi de faire défection à tout, y compris au film de guerre qui s’amorçait sous nos yeux.

Shlomi s’engage sur une ligne de fuite autrement moins prévisible. Une cavale le mène hors du territoire de Gaza jusqu’à Tel-Aviv, à grands coups de travellings haletants et heurtés, au rythme d’un jeu de batterie free-style. Sur place, c’est la vie de tous les jours, celle d’avant la conscription, qui l’attire : il cherche d’abord à revoir ses parents, surtout sa petite amie, Shiri (Mika Reiss). Mais, dans une ville sous tension, où les militaires patrouillent à chaque coin de rue, Shlomi est toujours contraint de se dérober, de raser les murs, de rebondir. Concernant sa défection, il voit autour de lui se mettre en place un scénario qui lui échappe : son absence est interprétée comme un acte terroriste d’enlèvement. Ce qui ne manque pas de justifier une riposte sanglante.

Caractère prophétique

Présenté en août 2023 au Festival international du film de Locarno, en Suisse, Le Déserteur s’est retrouvé heurté de plein fouet par l’actualité, alors qu’il poursuivait sa tournée dans les festivals, synchrone avec les attaques du 7 octobre 2023 du Hamas dans le sud d’Israël, précisément là où le récit établit son point de départ. Investi, malgré lui, d’un caractère prophétique, le film tire pourtant son inspiration d’événements survenus en 2006 : l’opération « Pluies d’été » déclenchée pour récupérer un soldat capturé par un commando palestinien.

La beauté et la justesse du film tiennent d’abord à sa souplesse, lui qui ne s’arme pas d’un discours rigide, ni ne s’arc-boute dans une position idéologique a priori. Au contraire, Dani Rosenberg fait advenir les choses autrement, par le seul travail du plan. La course de Shlomi occasionne une traversée de différents lieux qui, dans leur succession, montrent, très concrètement, les demeures dévastées du territoire gazaoui transformé en un champ de ruines, non loin les rues de Tel-Aviv, une métropole à la normalité illusoire, ponctuellement disputée par les alertes à la bombe. Avant même d’être personnage, le déserteur est un corps aux abois.

Film de Dani Rosenberg. Avec Ido Tako, Mika Reiss, Efrat Ben Tzur, Tikva Dayan, Shmulik Cohen (Isr. , 2024, 98 min).

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