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CANAL+ CINÉMA(S) – JEUDI 23 JANVIER –16 H 20 – FILM

Après une citation liminaire d’Isaïe (« Heureux ceux qui l’attendent »), que nous livrons à l’exégèse de nos lecteurs, la caméra descend du ciel et se pose sur la place du marché bigarrée d’une cité de la région parisienne. Là, un jeune homme plus si jeune à l’allure fantasque nommé Bellisha (Michael Zindel) est en quête d’un poulet strictement casher, dont il ne s’imagine pas encore tout à fait qu’il devra se brosser pour en trouver un sur zone de la sorte. Une voix off – qui évoque le romanesque cinématographique de la Nouvelle Vague – s’élève pour nous présenter ce singulier héros à l’affable nature.

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Là où les choses se gâtent un peu, c’est lors du retour au bercail, où l’attend Giselle (Agnès Jaoui), une mère juive cloîtrée chez elle par la maladie, naturellement inquiète de tout, et à laquelle il convient surtout de cacher qu’ils sont, elle et lui, les derniers juifs de la cité. Un exercice, en somme, à la Good Bye Lenin ! (Wolfgang Becker, 2003) – où un fils réinventait l’Allemagne de l’Est pour cacher à sa communiste de mère, réveillée d’un coma, la chute du mur de Berlin.

Noé Debré ne fera pas tout le film sur ce fil ingénieux. D’abord parce que Giselle, fine, fait parfaitement la différence entre un poulet casher et celui que son fils lui a acheté dans l’une des nombreuses boucheries halal. Ensuite, parce que la question du subterfuge est sans doute moins importante à ses yeux que celle de l’édification de son super-héros de la nonchalance, définie comme philosophie active, Bellisha.

Impérial Bellisha

Cette silhouette est d’autant plus forte que le fond sur lequel elle se détache est inquiétant. Et apparaît à double détente. Celle du film, d’abord, avec les bonnes blagues d’égorgement des amis du quartier, les tags antisémites qui font froid dans le dos et tout ce toutim dont on a appris en décembre 2023 par la bouche des présidentes de prestigieuses universités américaines que le tolérer pourrait « dépendre du contexte ». Celle de la réalité, ensuite, où depuis une vingtaine d’années la liste des victimes juives de l’islamisme en France et dans le monde, violentées, torturées et assassinées, éclaire assez sur la nature dudit contexte.

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Quelque chose d’impérial nimbe par contrecoup Bellisha, qui s’obstine à rester dans le quartier quand sa mère, pas tout à fait dénuée de préjugés racistes elle non plus et branchée H24 sur la chaîne israélienne i24, voudrait mettre les voiles.

Un acteur, un personnage et un réalisateur sont ainsi gracieusement posés sur un fil de funambule, qui évoquent autant le Jean-Pierre Léaud des Baisers volés (1968), de François Truffaut, que le Claude Melki de L’Amour c’est gai, l’amour c’est triste (1971), de Jean-Daniel Pollet.

Le Dernier des juifs, film de Noé Debré. Avec Michael Zindel, Agnès Jaoui, Solal Bouloudnine, Eva Huault (Fr., 2024, 90 min).

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