Le « cordon sanitaire » sous la menace d’une Assemblée instable et d’un RN influent

Avec une ironie qui n’est pas sans amertume, l’extrême droite aime qualifier de « castors » les électeurs du « barrage républicain ». A sa gauche dans l’Hémicycle, d’autres rongeurs s’appliquent à grignoter le « cordon sanitaire » qui l’empêche, jusqu’alors, de peser concrètement à l’Assemblée nationale.

Souvent issus des rangs d’Horizons, le parti d’Edouard Philippe, des Républicains (LR), voire des troupes macronistes, ces députés ou néo-ministres ne dédaignent plus le soutien d’un groupe qui pèse désormais, avec son allié Eric Ciotti, un quart des voix – 124 députés et 16 au groupe UDR (Union des droites pour la République). Et que son indulgence provisoire envers la majorité, face à un bloc de gauche le plus souvent uni, peut transformer en partenaire, en dépit des fondamentaux xénophobes de son programme.

Avant même l’examen des premiers textes de cette législature à la durée de vie incertaine, de premiers indices pointent en direction d’une érosion du « cordon sanitaire ». Les rééelections des présidents de commission, dans des postes laissés vacants par de nouveaux ministres de Michel Barnier, et l’élection des bureaux de délégations à l’Assemblée nationale, ont vu députés du « bloc central » et de l’extrême droite se rendre des services.

Demandes aimables et propositions de cafés

Les lepénistes assurent, avec une dose de forfanterie, voir arriver sur leurs téléphones quelques demandes aimables et propositions de cafés venues, selon eux, de l’ancien bloc macroniste ou de LR. « Tout vaut négociation, on vient taper à la porte sans arrêt, on nous joue du violon, pour une présidence de délégation ou de commission… », certifie Sébastien Chenu, coprésident délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale, avant de précise qu’il ne passe aucun « deal ».

Faut-il le croire ? Mercredi 2 octobre, le député du Nord a été élu président de la commission d’apurement des comptes de l’Assemblée nationale. Une instance sans rôle politique mais qui octroie, outre un chauffeur, un droit de regard sur les finances internes de la chambre haute. Il aura bénéficié d’une voix MoDem et une d’Horizons, et de l’abstention d’un député (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, LIOT), dans le duel l’opposant au socialiste Philippe Brun. Le RN a également obtenu six vice-présidences de commission, contre zéro sur la législature précédente.

A l’inverse, plusieurs députés de l’ancienne majorité ont pu dominer les candidats de la gauche grâce aux voix de l’extrême droite, pour la présidence de deux délégations et trois commissions – celles des affaires étrangères (Bruno Fuchs, MoDem), des affaires sociales (Frédéric Valletoux, Horizons) et des affaires européennes (Pieyre-Alexis Anglade, Ensemble pour la République, EPR). Cela avait déjà été le cas en juillet, notamment pour obtenir la présidence de la puissante commission des lois, où le député EPR Florent Boudié avait pu devancer la prétendante socialiste grâce à dix voix du RN.

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