Comme une soupe pleine de grumeaux. Dans le gyre subtropical du Pacifique Nord, siège du North Pacific Garbage Patch – mieux connu sous le nom de « continent de plastique » –, la concentration de débris en plastique de petite taille a flambé, révèle une étude de l’ONG The Ocean Cleanup publiée mardi 19 novembre dans la revue Environmental Research Letters. On pouvait trouver dans cette zone qui couvre six fois la superficie de la France, jusqu’à 10 millions de microparticules par kilomètre carré en 2022, soit dix fois plus qu’en 2015.
« Ces données ont été collectées grâce à nos opérations de nettoyage en mer », précise Laurent Lebreton, responsable de la recherche à l’ONG et premier auteur de l’étude. « En plus de contribuer à l’élimination de la pollution, ces campagnes de nettoyage constituent des plateformes uniques pour recueillir des données sur des environnements très éloignés », fait-il valoir. La nette accumulation de petits fragments de plastique constatée dans le vortex en l’espace de seulement sept ans est à ses yeux « particulièrement préoccupante », car « même si nous savions que la pollution s’aggravait, nous ne nous attendions pas à une telle augmentation ».
« On se doutait qu’il y avait une accumulation de microplastiques dans l’océan, mais cela n’avait pas encore été prouvé, salue Jean-François Ghiglione, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’océanographie microbienne de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales), qui n’a pas participé à ce travail. Dans la plupart des études, les prélèvements sont réalisés de façon un peu aléatoire, mais ici, [les chercheurs] sont allés pendant sept ans au même endroit, dans le gyre du Pacifique Nord – ce sont les seuls à s’y rendre de manière aussi récurrente – et ils ont vu petit à petit l’évolution. »
Cinquante expéditions entre 2015 et 2022
Ce travail repose sur l’analyse de données collectées au cours de 50 expéditions menées entre 2015 et 2022, soit plus d’un millier d’échantillons – prélevés grâce à des filets de tailles variées – et plusieurs dizaines d’observations aériennes réalisées à l’aide d’avions et de drones.
Les résultats montrent qu’au sein du vortex, la concentration massique de fragments en plastique de moins de 5 centimètres (ce qui comprend les microplastiques de 0,5 à 5 millimètres et les mésoplastiques de 5 millimètres à 5 centimètres) est passée d’une moyenne de 2,9 kilos par kilomètre carré en 2015 à 14,2 kilos par kilomètre carré en 2022. Leur nombre aussi a augmenté de façon significative. Ce continent de plastique situé à l’est d’Hawaï « absorbe tout ce qui se trouve autour du fait de phénomènes météorologiques qui font que le courant s’installe », précise Jean-François Ghiglione.
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