
Le blocage temporaire du réseau social TikTok en Nouvelle-Calédonie lors des émeutes meurtrières de 2024 par le gouvernement était « illégal », a jugé le Conseil d’Etat, mardi 1er avril. Dans un communiqué, la plus haute juridiction administrative en France a estimé que ce blocage portait « une atteinte disproportionnée aux droits et libertés ».
Toutefois, les sages ont considéré qu’en cas de « circonstances exceptionnelles » une telle interruption pouvait être légale à trois conditions : qu’elle soit indispensable pour faire face à des événements d’une particulière gravité, qu’aucun moyen technique ne permette de prendre immédiatement des mesures alternatives, et qu’elle soit prise « pour une durée limitée nécessaire à la recherche et la mise en place de ces mesures alternatives ». Or, la décision du premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, de suspendre l’accès à TikTok en Nouvelle-Calédonie entre le 15 et le 29 mai 2024 « ne respectait pas l’ensemble de ces conditions », a estimé le Conseil d’Etat.
« Un raisonnement menaçant pour l’avenir »
« C’est une victoire à la Pyrrhus car, même si elle est précieuse pour les libertés en des temps dégradés, elle entérine surtout le principe d’une suspension d’un réseau social en cas de circonstances exceptionnelles », a réagi auprès de l’Agence France-Presse l’avocat Vincent Brengarth, qui représente les trois particuliers ayant saisi le Conseil d’Etat aux côtés de deux associations, la Ligue des droits de l’homme (LDH) et La Quadrature du Net.
« Le raisonnement du Conseil d’Etat est menaçant pour l’avenir », a commenté de son côté l’avocat Patrice Spinosi, conseil de la LDH. « Un gouvernement populiste pourra s’inspirer de cette décision en la détournant pour adopter des mesures restreignant les libertés de l’ensemble des citoyens en se bornant à invoquer des “circonstances exceptionnelles” », a-t-il mis en garde.
Le blocage de TikTok sur l’archipel du Pacifique était survenu après le déclenchement de violences meurtrières en réaction au vote par l’Assemblée nationale d’une réforme très controversée du corps électoral calédonien. Gabriel Attal l’avait justifié par la nécessité de limiter les contacts entre émeutiers, sur fond d’inquiétudes liées à de possibles ingérences de l’Azerbaïdjan.