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Le changement climatique est « une menace urgente et existentielle », a déclaré, mercredi 23 juillet, le président de la Cour internationale de justice en rendant un avis très attendu sur les obligations légales des Etats sur le changement climatique, portant sur les obligations légales des Etats pour freiner le changement climatique, avec une question clé : la responsabilité historique des grands pollueurs sera-t-elle engagée ?

« La Cour constate que les conséquences des changements climatiques sont graves et profondes. Elles affectent tant les écosystèmes naturels que les populations humaines. Ces conséquences mettent en évidence la menace urgente et existentielle que représente le changement climatique », a déclaré le juge Yuji Iwasawa, qui a débuté, à 15 heures, un long discours synthétisant l’avis de centaines de pages des juges sur cette affaire, la plus importante jamais examinée par cette juridiction, arguent les experts.

« Je pense que cela peut réellement changer la donne dans le débat climatique actuel », a estimé auparavant Ralph Regenvanu, ministre du changement climatique du Vanuatu. C’est dans son archipel du Pacifique que des étudiants ont lancé en 2019 la procédure, propulsée ensuite par un vote de l’Assemblée générale des Nations unies. « Cela fait trente ans que nous subissons cette situation. Cela va changer le narratif, et c’est ce dont on a besoin », a-t-il déclaré mardi à l’Agence France-Presse (AFP).

L’avis est consultatif et non contraignant mais, rendu par la plus haute autorité judiciaire des Nations unies, il établira une interprétation juridique solide pour fonder les actions ou décisions futures de législateurs, d’avocats et de juges du monde entier.

« Le changement climatique n’est pas qu’un exercice académique… On le vit au quotidien », a déclaré, à l’AFP, l’étudiant fidjien Vishal Prasad, 29 ans, qui a lancé la campagne avec d’autres étudiants de l’université du Pacifique Sud, au Vanuatu. L’avis de la CIJ est « potentiellement l’une des décisions juridiques les plus importantes de notre époque », affirme Joie Chowdhury, avocate principale à l’ONG CIEL, qui soutient la procédure. Avec une centaine de manifestants, ils étaient présents mercredi devant le siège de la CIJ, derrière une banderole affirmant : « Les tribunaux ont parlé – les gouvernements doivent agir maintenant. »

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Deux questions

Les Nations unies ont chargé les quinze juges de la CIJ de répondre à deux questions. Premièrement : quelles obligations les Etats ont-ils en vertu du droit international de protéger la Terre contre les émissions de gaz à effet de serre, majoritairement générées par la combustion du pétrole, du charbon et du gaz, pour les générations présentes et futures ? Deuxièmement, quelles sont les conséquences juridiques de ces obligations pour les Etats dont les émissions ont causé des dommages environnementaux, en particulier envers les Etats insulaires vulnérables de faible altitude ?

La Cour a dû organiser les plus grandes audiences de son histoire, avec plus de cent nations et groupes prenant la parole, en décembre au Palais de la Paix. Des pays et militants du climat, frustrés par la lenteur des processus de négociations habituels, se tournent de plus en plus vers les tribunaux – nationaux et internationaux – pour forcer entreprises et Etats à agir, avec déjà quelques décisions en leur faveur.

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Les COP annuelles ont certes permis d’infléchir les prévisions de réchauffement, mais encore très insuffisamment pour tenir l’objectif limite de 2 °C, par rapport à l’ère préindustrielle, fixé par l’accord de Paris de 2015. Le monde en est déjà à au moins 1,3 °C de réchauffement.

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Demandes de réparations

Comme David contre Goliath, le débat a opposé petits pays en développement et économies avancées. Les grands pollueurs, dont les Etats-Unis et l’Inde, ont mis en garde la Cour et défendu le processus politique existant des COP, par la Convention-cadre de l’ONU sur les changements climatiques – malgré ses insuffisances. Sans compter que les Etats-Unis se retirent justement de l’accord de Paris sous Donald Trump.

Les petits pays réclament aussi le paiement de réparations aux pollueurs historiques, une demande inacceptable pour la plupart des pays riches. « Le principe cardinal est clair comme de l’eau de roche. Les Etats responsables sont tenus de réparer intégralement le préjudice qu’ils ont causé », a déclaré Margaretha Wewerinke-Singh, du Vanuatu.

Ces Etats exigent également un calendrier pour l’élimination des énergies fossiles, des compensations monétaires le cas échéant ainsi que la reconnaissance des torts passés. « Bien que responsable de moins de 0,01 % des émissions de gaz à effet de serre, sur la trajectoire actuelle des émissions, Tuvalu disparaîtra complètement sous les vagues qui clapotent sur nos côtes depuis des millénaires », a déclaré Eselealofa Apinelu, représentant de l’archipel polynésien.

Des détracteurs affirment que les principaux pollueurs ignoreront l’avis de la CIJ. Mais le droit international se construit avec de tels avis, explique, à l’AFP, Andrew Raine, du département juridique de l’ONU Environnement. « Ils clarifient la manière dont le droit international s’applique à la crise climatique, ce qui a des répercussions sur les tribunaux nationaux, les processus législatifs et les débats publics. »

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Le Monde avec AFP

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