L’artificialisation, c’est-à-dire des aménagements qui couvrent le sol et annihilent ses fonctions, va galopant en France : cinq terrains de foot par heure (même la nuit) ; 10 % de la surface agricole couverte durant les cinquante dernières années ; une tendance 3,7 fois plus rapide que l’augmentation de la population, qui fait de nous le plus mauvais élève européen, d’après France Stratégie. L’habitat utilise 63 % des sols artificialisés, suivi par les zones d’activité (23 %) et les infrastructures (7 %).
Un espoir était venu du législateur, inspiré par la convention citoyenne pour le climat, au sein de la loi Climat et résilience de 2021. Elle portait un objectif zéro artificialisation nette (ZAN) visant à réduire celle-ci par deux – en tenant compte des sols réhabilités – en 2031 [par rapport à la décennie 2010], puis à la neutraliser en 2050. C’était peu ambitieux : le ZAN demandait à nos enfants ce que nous ne pouvons réaliser d’emblée.
Le ZAN a été assoupli par une loi en 2023 destinée à accompagner les élus, dont les difficultés sont réelles, car le développement économique passe souvent par l’artificialisation. Le 9 octobre, le Sénat proposait de réviser encore la méthode. Et Michel Barnier a annoncé une nette régression dans son discours de politique générale : « Pour construire, il faut du foncier. » Certes, il y a des impératifs économiques liés à notre dette nationale… Mais cette vision purement foncière des sols cache l’émergence d’une autre dette, abyssale aussi, qui va nous étouffer très vite.
Le défi d’une agriculture nouvelle
Les sols captent l’eau : ils la conservent et, dans les périodes sèches, la restituent aux végétaux qui nous nourrissent ou rafraîchissent nos villes, et aux rivières. Dans un pays où les précipitations estivales pourraient baisser jusqu’à 40 % d’ici à 2080, qui payera le manque à gagner des agriculteurs, la perte des îlots de fraîcheur et le renchérissement des aliments ? Affaiblir le ZAN est incompatible avec l’annonce par le gouvernement d’une grande conférence nationale sur l’eau ! De plus, les précipitations automnales augmentent avec le changement climatique et l’artificialisation diminue le stockage par les sols : cela accroît les inondations, on l’a vu à Nice et ailleurs. Qui payera les dégâts ?
Les sols captent du carbone : la matière organique morte qui y stationne pour des décennies ou des siècles, c’est autant de CO2 en moins dans l’air. L’artificialisation détruit des moyens d’agir sur le climat, alors qu’on ne sait, ni ne provisionne, ce qu’il faudra payer pour les dégâts climatiques…
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