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Histoires Web vendredi, septembre 20
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La commande adressée à Mario Draghi portait sur la perte de compétitivité de l’Europe. Notant que ce recul est la cause majeure de la stagnation des revenus, le rapport documente soigneusement le retard grandissant de l’Europe en matière d’innovations, non seulement vis-à-vis des Etats-Unis, mais aussi de la Chine. Les raisons qu’il présente sont très largement consensuelles : un faible effort d’investissements dans la recherche technologique et une mobilisation inefficace de l’épargne des Européens. Le diagnostic pointe la domination de longue date de grandes entreprises éloignées des innovations transformatrices, une lourdeur administrative qui décourage la prise de risque, et des marchés financiers morcelés qui poussent les créateurs les plus énergiques à traverser l’Atlantique.

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Ce rappel cruel de nos faiblesses serait moins déprimant si Draghi offrait des solutions bien adaptées. Bien qu’il fourmille d’idées, le cœur de son rapport est de proposer une politique industrielle commune, qui prendrait en charge l’innovation, mais aussi la décarbonisation et la sécurisation de nos économies. Le rapport chiffre le coût de l’opération à 800 milliards par an, soit 4 % du PIB européen. Quand on sait que, depuis des années, le budget de la Commission est gelé à 1 %, il est clair que les 800 milliards devraient majoritairement prendre la forme de transferts de compétences des Etats membres vers la Commission. L’ambition est impressionnante, mais hors d’atteinte. Sa faiblesse majeure est de proposer des prescriptions déconnectées du diagnostic.

Ce diagnostic part en particulier du constat que, depuis le début du siècle, les investissements technologiques en Europe sont dominés par le secteur automobile, alors qu’aux Etats-Unis ce sont les entreprises liées à la numérisation qui ont pris le relais. Cette spécialisation dans les secteurs de technologie moyenne est débilitante parce que les possibilités d’innovations transformatrices y sont faibles. Cette domination est construite sur un tissu ancien de relations entre grandes entreprises et grandes banques, qui tranche avec la fluidité et de la réactivité des marchés financiers, qui restent, en Europe, sous-dimensionnés. L’Europe ne souffre donc pas d’un manque de compétences ou de moyens financiers, mais d’une mauvaise utilisation de ses ressources.

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On pourrait donc s’attendre à ce que le rapport propose une stratégie de déréglementations, de réduction des aides publiques, explicites et implicites, qui pérennisent la domination d’industries vieillissantes, et l’adoption rapide de l’union du marché des capitaux, bloquée depuis dix ans par des intérêts privés. Bien sûr, tout ceci est mentionné, mais on ne voit pas à quoi peut alors servir une politique industrielle européenne.

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