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Histoires Web mercredi, novembre 13
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« La Troisième Vie », de Fabrice Arfi, Seuil, 256 p., 20 €, numérique 15 €.

Les fantômes naissent-ils dans une ville grisailleuse de Roumanie où l’on enseignait naguère aux espions l’art et la manière de vivre à l’occidentale avant de les infiltrer dans le « monde libre » ? En 1969, lorsqu’un dessinateur industriel roumain du nom de Vincenzo Benedetto débarque avec sa femme dans la région lyonnaise, c’est, officiellement, pour y rejoindre sa famille d’origine italienne, qu’il ne connaît pas. Son visa obtenu, après bien des difficultés, dans un pays gouverné d’une main de fer par le maléfique couple Ceausescu, il ne quitte plus la France, où il mène une existence paisible. Mais, onze ans plus tard, cinq policiers du contre-espionnage français toquent à sa porte, convaincus que le tranquille monsieur Benedetto est un agent des services secrets roumains, un « fantôme » sous couverture. Incarcéré quelques mois, puis libéré sur intervention de Maurice Faure, éphémère garde des sceaux du premier gouver­nement de François Mitterrand, fraîchement élu président de la République, en mai 1981, cet homme énigmatique ne fera plus jamais parler de lui.

Quinze années durant, entre deux enquêtes sur le financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy ou l’affaire Bettencourt, le journaliste Fabrice Arfi, pilier du site d’information Mediapart, va tenter de reconstituer le fil de l’existence de Benedetto. Un fil forcément rouge, noué autour de cette question : se peut-il que l’ancien ministre de la défense socialiste Charles Hernu, convaincu d’espionnage au profit du bloc de l’Est jusqu’en 1963, ait poursuivi ses activités occultes bien plus longtemps ? Et si Benedetto avait été son officier traitant ?

Un passé en nuances de gris

Pour en avoir le cœur net, le journaliste a « noirci des carnets de notes entiers (…), visité des centres d’archives à Paris, Vincennes, Lyon, Villeurbanne, voyagé en Roumanie ». Internet n’est d’aucun secours dans cette quête où les indices doivent être déchiffrés entre les lignes des « blancs », ces notes anonymes établies par les services de renseignement. Les feuilles de papier pelure enfouies dans des cartons d’archives poussiéreux révèlent un passé en nuances de gris, peuplé de silhouettes aux vestons à large revers, aux yeux mi-clos derrière des lunettes d’écaille. On y croise l’ancien ministre Charles Fiterman et le transfuge roumain de haut rang Ion Mihai Pacepa, des espions de la Securitate trafiquants de foie gras et de replets caciques socialistes s’ébrouant sous la ligne de flottaison des « eaux noires de la raison d’Etat ».

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