Le président par intérim de la Syrie, Ahmed Al-Charaa, a salué, jeudi 13 mars, une « nouvelle page de l’histoire » de son pays après la signature d’une déclaration constitutionnelle. Etabli pour une période transitoire de cinq ans, le texte garantit notamment la liberté d’expression et les droits des femmes.
« C’est une nouvelle page de l’histoire de la Syrie, où nous remplaçons l’injustice par la justice (…) et la souffrance par la miséricorde », a déclaré Ahmed Al-Charaa, qui a renversé, à la tête d’une coalition rebelle dominée par des islamistes, Bachar Al-Assad en décembre 2024, après plus de treize ans de guerre civile.
Les nouvelles autorités ont aboli la Constitution et ont dissous le Parlement, qui était une chambre d’exécution des décisions du pouvoir sous Bachar Al-Assad. Ahmed Al-Charaa, nommé en janvier président par intérim, a affirmé qu’il faudrait quatre à cinq années pour organiser des élections.
Annoncée lors d’une conférence de presse au palais présidentiel, à Damas, la déclaration constitutionnelle a toutefois suscité des critiques de la part de l’administration autonome kurde dans le nord-est du pays. Pour l’importante minorité kurde, le texte « contredit la réalité de la Syrie et sa diversité ». Il « ne reflète pas l’esprit du peuple syrien et de ses différentes composantes, des Kurdes aux Arabes, en passant par les Syriaques, les Assyriens et les autres composantes nationales syriennes », a estimé l’administration kurde.
L’annonce de la déclaration constitutionnelle intervient peu après des massacres commis dans l’ouest de la Syrie, les pires violences depuis l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités.
« Séparation des pouvoirs »
La nouvelle déclaration constitutionnelle « criminalise la glorification de l’ancien régime d’Assad et de ses symboles, a fait savoir la présidence. Nier, louer, justifier ou minimiser ses crimes sont des crimes punis par la loi. »
La déclaration « protège » également la « liberté de croyance » et établit une séparation stricte des pouvoirs, dans un pays ou le clan Assad a régné sans partage pendant plus d’un demi-siècle. « Nous avons délibérément opté pour une séparation stricte », a déclaré un membre du comité de rédaction, Abdel Hamid Al-Awak, soulignant que les Syriens avaient souffert par le passé « de l’empiètement du président de la République sur le reste des pouvoirs ». Abdel Hamid Al-Awak a déclaré qu’une commission électorale supérieure serait formée pour superviser les élections du Parlement.
Selon la déclaration constitutionnelle, il appartient au président par intérim de « nommer le tiers » des membres de la future assemblée, « seule responsable du processus législatif ». La déclaration constitutionnelle donne au président un seul pouvoir exceptionnel, celui de déclarer l’état d’urgence. La jurisprudence islamique reste « la source principale » de la législation et l’islam la religion du président, comme auparavant.
« Droits et libertés »
La déclaration garantit « un large éventail de droits et de libertés, notamment la liberté d’opinion, d’expression, de la presse », tout en garantissant aux femmes « leurs droits sociaux, économiques et politiques », selon Abdel Hamid Al-Awak.
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Elle prévoit par ailleurs la formation d’une « commission de justice transitionnelle », visant notamment à rendre justice aux « victimes et survivants » de la dictature. Elle souligne sur un autre plan « l’indépendance » de la justice et prohibe « la mise en place de tribunaux d’exception » dont les Syriens ont gravement souffert par le passé. Elle mentionne enfin « la nécessité de former un comité pour rédiger une Constitution définitive ».
L’envoyé spécial des Nations unies (ONU) pour la Syrie, Geir Pedersen, a dit « espérer que la déclaration [constitutionnelle] pourra constituer un cadre juridique solide pour une transition politique véritablement crédible et inclusive », ajoutant que « sa mise en œuvre correcte sera essentielle », selon un porte-parole de l’ONU, jeudi.
L’organisation onusienne est prête à travailler aux côtés de la Syrie pour « une transition politique inclusive qui garantisse qu’on rende des comptes, qui favorise la réconciliation nationale et qui jette les bases d’un redressement durable [du pays] », a pour sa part affirmé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.