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Histoires Web dimanche, septembre 8
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Induire des faux souvenirs chez les humains n’est pas si difficile, si vous suivez le bon scénario. La psychologue américaine Elizabeth Loftus (université de Californie, Irvine) s’est ainsi rendue célèbre avec des expériences faisant appel à de fausses publicités, qui amenaient jusqu’à 16 % des volontaires à croire qu’ils avaient croisé Bugs Bunny dans un parc Disney – ce qui est impossible puisque le lapin est un personnage de la Warner Bros. Implanter de fausses informations dans l’esprit d’autres vertébrés, tels que des oiseaux ou des rongeurs, a depuis été réalisé par plusieurs équipes.

Qu’en est-il pour des espèces appartenant à une branche du règne animal plus distante ? Une équipe de l’université de Caen a mis au point un protocole astucieux pour tester la solidité de la mémoire épisodique de la seiche, un mollusque céphalopode dont les ancêtres se sont séparés des nôtres il y a plus de 500 millions d’années. Cette mémoire est celle des événements autobiographiques. « La seiche est dotée d’une mémoire de type épisodique, qui lui permet de savoir ce qui s’est passé, où et quand », explique Christelle Jozet-Alves, enseignante-chercheuse à l’université de Caen, qui a dirigé ces travaux, présentés le 17 juillet dans iScience.

Son équipe a déjà montré que la seiche « réajuste son comportement prédateur en fonction d’un délai de renouvellement des proies », ce que ne parvient pas à faire le poulpe, par exemple. Elle souhaitait aller plus loin dans la comparaison avec la mémoire épisodique humaine. « Un souvenir n’est pas un film encodé. A chaque fois, on le reconstruit », rappelle Christelle Jozet-Alves. Elle s’est employée, avec les thésardes Lisa Poncet et Pauline Billard, à introduire des facteurs de confusion pour voir si ce mécanisme de reconstruction était aussi à l’œuvre chez la seiche.

Jeu de bonneteau

Il a d’abord fallu familiariser un groupe de ces animaux, par nature craintifs, avec des tubes placés dans leur aquarium. Une fois leur curiosité acquise, les seiches ont été simultanément confrontées à trois tubes, décorés de motifs visuels différents comprenant de façon visible soit une crevette – leur mets favori –, soit un crabe – moins apprécié –, soit rien du tout.

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Dans un deuxième temps, on renforçait le souvenir précédent, ou au contraire on le brouillait par une forme de « bonneteau » en jouant avec la combinaison de tubes. Le vrai test sur les faux souvenirs intervenait dans un troisième temps, où la seiche devait choisir entre celui supposément vide et celui susceptible de contenir le crabe. « Toute l’idée était de leur faire croire qu’elles avaient vu une crevette dans le tube vide », résume Christelle Jozet-Alves, consciente de la complexité du protocole.

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