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Notre monde est fragile. Il est traversé par des chocs violents comme les guerres, mais aussi par des transformations structurelles comme le changement climatique. C’est notre maison qui devient inhabitable. La communauté des humains doit se ressaisir pour remettre de l’ordre et la réparer. Dans cette optique, l’économie – du grec ancien oîkos, « maison », et nómos, « loi » – doit être en première ligne pour nous aider à gérer notre habitat commun, la planète.

Le changement climatique est une menace existentielle : le rapport de 2017 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat prévoyait que de 4 miliards à 5 milliards de personnes vivraient dans des conditions climatiques au-delà du seuil mortel à la fin du siècle, en cas d’inaction. Pour atteindre une hausse des températures limitée à 1,5 °C, nous disposions d’un « budget carbone » de 300 gigatonnes (Gt) début 2020. Depuis, il s’est réduit comme peau de chagrin, car nous avons dépensé plus de 36 Gt par an, comme le montre Frédéric Samama dans Archéologie de l’inaction (Hermann, 200 pages, 18 euros). Notre budget est maintenant de 155 Gt de CO2. Il y a urgence.

La science économique a beaucoup à dire pour aider à façonner nos politiques climatiques. Comme les marchés sont incapables de prendre en compte à eux seuls les effets funestes des émissions de CO2, il faut une taxation conduisant à un prix du carbone élevé et croissant, altérant ainsi les incitations de tous les acteurs économiques et orientant les changements technologiques vers la décarbonation. Ce prix du carbone doit être appliqué de façon globale pour éviter les « fuites » des industries polluantes s’implantant sous des juridictions plus clémentes.

Changer nos priorités

Mais, entre les prescriptions de la théorie économique et la réalité, il y a un énorme pas. La mise en œuvre concrète de la théorie doit être méticuleusement pensée : l’Union européenne est en pointe avec son système de droits d’émissions carbone, et l’on peut s’en réjouir. Mais les aspects redistributifs des taxes carbone et l’accompagnement des ménages les plus modestes durant la transition énergétique sont fondamentaux. L’épisode des « gilets jaunes » en France est emblématique, de ce point de vue. On peut aussi citer l’Inflation Reduction Act américain de 2022, qui fait passer des subventions vertes sous couvert de lutte contre l’inflation en raison de l’hostilité du Congrès américain à favoriser la transition. De plus, l’Europe, responsable de moins de 8 % des émissions mondiales actuelles, ne peut rien réussir seule. Il faut créer des coopérations internationales et un mécanisme d’harmonisation du prix du carbone aux frontières pour éviter tout « dumping » environnemental.

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