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Prolongeant l’émoi suscité par les réquisitions du ministère public en novembre 2024, la condamnation de plusieurs cadres du Front national, devenu Rassemblement national (RN), dont Marine Le Pen, à des peines d’inéligibilité par le tribunal correctionnel de Paris pour des faits de détournement de fonds publics, a relancé le procès contre le « gouvernement des juges » que révélerait une telle décision. Reprise en chœur par une large partie de la classe politicienne et médiatique, l’accusation ne résiste pourtant guère à l’analyse.

Popularisée en 1921 par le grand juriste Edouard Lambert [1866-1947], l’expression renvoie à l’intervention du pouvoir judiciaire dans la conduite des politiques publiques et, en particulier, dans le processus d’adoption des lois et règlements. Une intervention qui n’est pas illégitime en soi, mais qui peut le devenir si les attributions du juge sont insuffisamment encadrées, le conduisant à censurer l’action des gouvernants au-delà de ce qui est nécessaire à la garantie des droits fondamentaux des citoyens.

Une dérive que l’on observe régulièrement dans la jurisprudence de la Cour suprême des Etats-unis, à l’époque de Lambert – où celle-ci combattait activement la timide consécration d’une législation protectrice des travailleurs – comme de nos jours, quand la majorité de ses membres affiche sans complexe sa volonté d’en finir avec les acquis du mouvement des droits civiques.

Relative impunité

Or rien de tout cela n’est mis en avant par celles et ceux qui crient aujourd’hui au coup d’Etat judiciaire. Loin de constituer des actes accomplis dans l’exercice officiel et normal de leurs fonctions, les faits pour lesquels les responsables politiques en question ont été condamnés sont des infractions pénales qui, à les supposer avérées, ne sauraient évidemment être considérées comme participant du mandat qui leur a été confié par le peuple.

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Ce n’est pas davantage l’existence d’un procès inéquitable ou truqué frappant des opposants politiques qui est dénoncée. Ce qui suscite l’indignation, c’est le simple fait que des élus puissent voir leur responsabilité pénale engagée devant des juridictions de droit commun et, ainsi, se voir infliger les peines expressément prévues par la loi. En d’autres termes, la question que soulève le tollé suscité par la condamnation des dirigeants du FN n’est pas celle du gouvernement des juges mais bien celle de l’abolition des privilèges ou, plutôt, de sa consécration définitive.

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