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Confrontée à la chute des prix du cobalt, la République démocratique du Congo (RDC) a récemment suspendu pour quatre mois toute exportation de ce minerai stratégique dont elle est le premier producteur mondial, jouant d’une arme potentiellement à double tranchant. La mesure, inattendue, pourrait éloigner de potentiels investisseurs, mais aussi inciter les acheteurs, ultradépendants des ressources congolaises, à trouver des alternatives, mettent en garde certains spécialistes. En 2024, selon l’Institut américain d’études géologiques, la RDC a fourni 76 % de la production mondiale de cobalt, un minerai essentiel à la fabrication des batteries des véhicules électriques et dont la demande a explosé depuis 2000.

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Le gouvernement congolais a justifié sa décision par la nécessaire « stabilisation du marché du cobalt […] face à la surabondance de l’offre sur le marché international », qui a divisé les prix par quatre en trois ans. Cette surabondance « est surtout due à l’augmentation de l’offre de minerai provenant de RDC », explique à l’Agence France-Presse (AFP) Robert Searle, analyste du cabinet Fastmarkets, spécialisé dans les matières premières. Selon lui, l’offre s’est « particulièrement accrue ces deux dernières années », notamment de la part de l’entreprise China Molybdenum, l’un des principaux producteurs mondiaux de cobalt, qui exploite deux des plus grandes mines du monde en RDC (Tenke Fungurume et Kisanfu).

Par ailleurs, le cobalt est un sous-produit du cuivre, dont les cours élevés ont dopé l’extraction, alimentant ainsi l’excès d’offre en cobalt, selon les experts. Enfin, les fabricants, notamment chinois, montrent un intérêt croissant pour des batteries sans cobalt, dites LFP (lithium-fer-phosphate), moins performantes mais meilleur marché, réduisant la demande.

La RDC figure parmi les quinze pays les moins développés du monde. En 2024, près de trois quarts des Congolais vivaient avec moins de 2,15 dollars par jour, selon la Banque mondiale. Pourtant, le sous-sol du pays, souvent qualifié de « scandale géologique », est l’un des plus riches de la planète. En 2023, le secteur minier a contribué à 70 % de la croissance économique de la RDC. Mais il est gangrené par une contrebande chronique, ainsi que par des réseaux criminels et de corruption – une situation qu’est venue aggraver la résurgence, en 2021, d’un conflit dans les régions minières orientales du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

« Criminalité organisée »

La production de cobalt, principalement extrait des mines de la province du Katanga (Sud-Est), est épargnée par ce conflit qui fait rage à plus de 1 000 kilomètres de là. Mais sa chaîne d’approvisionnement est « entachée par des niveaux complexes de criminalité organisée », notamment « l’exploitation minière illégale, la contrebande et la collusion entre mineurs illégaux, bandes criminelles organisées et acteurs étatiques », notait en juin 2024 Oluwole Ojewale, chercheur à l’Enact, un observatoire de lutte contre le crime organisé transnational en Afrique.

En 2019, le gouvernement congolais a créé une autorité de régulation des minerais stratégiques, l’Arecoms, et tenté de réglementer le secteur des mines artisanales en y interdisant notamment le travail des enfants et des femmes enceintes ou en imposant des études d’impact environnemental et des mesures de traçabilité. Il a, en outre, confié le monopole de la commercialisation du cobalt issu de l’extraction artisanale et semi-industrielle à une société publique, l’Entreprise générale du cobalt. Un récent décret, paru à la fin de février, a prolongé ce monopole, jamais réellement appliqué.

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« L’Etat n’a pas la capacité de contrôler et de faire respecter les règles » qu’il édicte, constate Oluwole Ojewale. Et les ONG continuent de dénoncer l’emploi d’enfants, des conditions de travail dangereuses et la corruption dans les mines artisanales. La part du cobalt issue de l’extraction artisanale est « très difficile à évaluer précisément », selon Robert Searle, qui estime qu’elle a chuté ces dernières années et représente entre 3 % et 5 % de la production totale en 2024. Selon lui, on peut « raisonnablement dire » que l’extraction artisanale, potentiellement exportée illégalement, « n’est pas responsable de l’excédent d’offre ».

La suspension des exportations a commencé à faire remonter les prix, particulièrement sur le marché chinois. La Chine dispose de stocks, mais les entreprises les estiment insuffisants pour couvrir les quatre mois de suspension et, faute de fournisseurs alternatifs, les prix pourraient s’emballer au deuxième trimestre, prévient Robert Searle, pour qui cette politique comporte des risques pour la RDC. L’interdiction, qui « a pris par surprise » les entreprises chinoises ayant « investi des milliards de dollars dans l’industrie minière congolaise », « pourrait freiner des investissements supplémentaires », craint-il, mais aussi refroidir les potentiels investisseurs occidentaux que la RDC tente d’attirer.

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En outre, « une hausse des prix du cobalt et des perturbations [d’approvisionnement] pourraient entraîner une plus grande utilisation de batteries avec des technologies utilisant moins de cobalt ou des batteries LFP » dans les prochaines années, avance Robert Searle.

Le Monde avec AFP

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