La pétition contre la loi Duplomb, qui prévoit notamment la réintroduction sous conditions d’un pesticide interdit en France depuis 2018, a dépassé, lundi 28 juillet, deux millions de signatures sur le site de l’Assemblée nationale. « Aujourd’hui je suis seule à écrire, mais non seule à le penser », affirmait l’autrice de la pétition, à sa publication, le 10 juillet. Dix-sept jours plus tard, les faits lui donnent raison, même si le rythme des signatures ralentit.
Sa pétition avait déjà atteint 500 000 signatures le week-end dernier, une première sur le portail de l’Assemblée, qui ouvre la voie à l’organisation d’un nouveau débat dans l’Hémicycle. Sa portée sera toutefois limitée : si les différents groupes politiques pourront exprimer leurs positions, il ne permettra pas, seul, de revenir sur les dispositions déjà adoptées. La pression s’accentue en tout cas un peu plus sur le gouvernement, sommé par la gauche, les ONG et désormais une partie non négligeable de l’opinion publique d’abroger le texte.
La pétition a été abondamment relayée sur les réseaux sociaux par des ONG, des partis politiques mais aussi des personnalités, comme l’acteur Pierre Niney, le musicien Julien Doré ou l’influenceuse EnjoyPhoenix. Elle demande l’abrogation « immédiate » de la loi, « la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée », alors qu’il n’y a pas eu de réel débat dans l’Hémicycle, et une « consultation citoyenne des acteurs de la santé, de l’agriculture, de l’écologie et du droit » sur les sujets soulevés.
Son succès « prouve que l’intelligence collective existe – et qu’elle triomphera, tôt ou tard », a commenté mercredi Eléonore Pattery, l’étudiante en master de 23 ans à l’origine de la pétition, qui ne souhaite pas s’exprimer dans les médias, sur le réseau Linkedln.
Une décision d’Emmanuel Macron après celle du Conseil constitutionnel
Outre des mesures sur les retenues d’eau ou les seuils d’autorisation environnementale des bâtiments d’élevage, la loi Duplomb-Menonville, du nom des sénateurs de droite et du centre qui l’ont portée, cristallise les critiques en raison de la réintroduction sous conditions d’un pesticide, l’acétamipride, interdit en France depuis 2018, mais autorisé en Europe. Son utilisation est réclamée par les producteurs de betteraves et de noisettes, qui estiment n’avoir aucune solution alternative contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale de leurs concurrents européens. A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre « un tueur d’abeilles ». Ses effets sur l’humain sont aussi source de préoccupations, même si les risques restent incertains, faute d’études d’ampleur.
Le texte, adopté définitivement au Parlement après un parcours législatif très agité, attend désormais le couperet du Conseil constitutionnel, qui rendra sa décision « a priori » le 7 août et pourrait censurer tout ou partie de la loi. C’est seulement après qu’Emmanuel Macron pourra décider de promulguer le texte ou demander une seconde délibération au Parlement, réclamée notamment par la gauche. Les parlementaires de gauche ont saisi le Conseil constitutionnel, estimant cette loi incompatible avec la préservation de l’environnement et le droit à la santé.
L’exécutif marche sur des œufs face à cette mobilisation citoyenne de grande ampleur : le président de la République a dit attendre la décision des sages avant de s’exprimer sur la pétition. Il a appelé à concilier « science » et « juste concurrence » en matière environnementale, selon ses mots mercredi en conseil des ministres, rapportées par la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas.
La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, a affirmé que le texte serait « de toute façon promulgué », estimant qu’il serait « extrêmement périlleux » d’organiser une seconde délibération. D’autres ont demandé une saisine de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), comme le patron du parti présidentiel Renaissance, Gabriel Attal, soutenu par la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. Le gouvernement s’est dit « disponible » pour un débat au Parlement. Le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb a, lui, dénoncé ces derniers jours « l’instrumentalisation par l’extrême gauche et les écologistes » de cette pétition.