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Principal marqueur de sa politique culturelle, le Pass culture est en train d’échapper à Emmanuel Macron. La réforme de ce dispositif, annoncée par la ministre de la culture, Rachida Dati, dans une tribune au Monde le 11 octobre, remet en cause la philosophie originelle du projet présidentiel. Ce « chèque » de 300 euros offert, depuis mai 2021, à tous les jeunes âgés de 18 ans pour être dépensé à leur guise en achats culturels devrait voir son montant modulé en fonction de la situation sociale de ses bénéficiaires. Et une partie de la somme devrait être fléchée vers le spectacle vivant.

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Le ministère veut éviter que le Pass soit une simple plateforme d’achats, majoritairement utilisée pour acheter des livres (mangas et romances en tête), aller au cinéma ou s’abonner à des sites de musique en ligne, très rarement pour aller au théâtre. Pour l’heure, il ne parvient pas à atténuer les inégalités sociales et territoriales dans l’accès à la culture.

Malgré un succès quantitatif indéniable, avec 3,4 millions de bénéficiaires, le Pass culture a toujours été sous le feu des critiques, qu’on l’accuse de favoriser les entrepreneurs du secteur privé ou que l’on reproche à la société qui le gère de ne pas communiquer de statistiques précises à sa tutelle ministérielle. Ce partage de données devrait être enfin effectif en novembre, selon Sébastien Cavalier, patron de la SAS Pass culture, permettant d’alimenter le débat de manière objective. Qualitativement, le Pass ne semble pas avoir changé l’habitus culturel des jeunes. Pouvait-il en être autrement ? La promesse d’un algorithme novateur, incitant les utilisateurs de l’application à s’ouvrir à de nouveaux horizons culturels, n’a jamais fonctionné.

Réforme radicale

Parce qu’il coûte cher (210 millions d’euros par an pour la seule part individuelle) pour de maigres résultats, il doit être profondément remanié, dans un contexte de contrainte financière et alors même qu’il a jusqu’à présent été épargné par les coupes budgétaires. En janvier 2022 déjà, Rima Abdul Malak, alors conseillère culture d’Emmanuel Macron, et Roselyne Bachelot, alors ministre de la culture, avaient fait une première entorse à un projet monté dans la précipitation, en ligne avec l’esprit « start-up nation » de la campagne de 2017, en créant une part collective pour les collégiens et lycéens gérée par leurs professeurs. Elles entendaient ainsi renouer avec l’indispensable médiation pour construire une éducation artistique et culturelle trop souvent sacrifiée.

Rachida Dati propose aujourd’hui une réforme plus radicale. En choisissant de rompre avec une politique de la demande, elle s’émancipe du pari élyséen et reprend à son compte les critiques émises ces derniers mois par la Cour des comptes et l’inspection générale des affaires culturelles, qui ont souligné les difficultés du nouveau dispositif à remplir ses missions de service public.

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La volonté de corriger les inégalités sociales et de pousser à la diversification culturelle en direction du spectacle vivant va donc dans le bon sens. Cette réforme nécessaire risque toutefois de se heurter à la complexité de sa mise en œuvre. Sur quels critères familiaux, par exemple, moduler les sommes attribuées ? Les écueils seront nombreux ; cette refonte de la philosophie initiale du Pass culture n’en reste pas moins primordiale. Il y va de la survie, à terme, de l’une des rares initiatives prises en faveur de la jeunesse depuis 2017.

Le Monde

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