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L’échec du « conclave » sur les retraites, annoncé dans la nuit du lundi 23 juin par la CFDT, après quatre mois de concertation entre partenaires sociaux, n’est pas une simple péripétie. Il montre à quel point l’esprit de compromis a du mal à s’imposer dans un pays qui doit surmonter ses blocages pour tenter d’avancer. Un an après la dissolution de juin 2024, qui a privé le gouvernement de majorité à l’Assemblée nationale et conduit le pays à une quasi-paralysie politique, la remise dans le jeu des syndicats et du patronat apparaissait comme une tentative de réconciliation et une promesse d’action. En l’absence d’accord, le pays risque de s’exposer à de nouvelles tensions internes, à la veille d’arbitrages budgétaires douloureux. François Bayrou, qui joue gros sur ce dossier, annonçait mardi matin son intention de recevoir les partenaires sociaux dans une ultime tentative de dépasser la situation de blocage.

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Le chemin du conclave dessiné par le premier ministre était, il est vrai, particulièrement escarpé : il s’agissait, en mettant sur la table un certain nombre d’améliorations, de tenter de surmonter le traumatisme démocratique qu’avait suscité l’adoption, en 2023, par 49.3, du recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, alors qu’un puissant mouvement de contestation politique et syndical s’était enclenché contre la réforme. Les partenaires sociaux se devaient de le faire sans dégrader l’équilibre financier, alors qu’un déficit du système s’annonce à hauteur de 6,6 milliards d’euros en 2030.

Le Medef et la CGPME portent une lourde responsabilité. Ils ont privé la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC d’un nombre d’avancées suffisantes pour leur permettre de ne plus formellement contester l’âge de départ à 64 ans. Contrairement à la CGT et à FO, ces trois syndicats avaient accepté de rester jusqu’au bout à la table de la concertation. Ils ont été mal payés en retour. Jugeant trop coûteux ou trop contraignants les dispositifs visant à mieux prendre en compte la pénibilité, les carrières longues ou à abaisser l’âge d’annulation de la décote, le patronat s’est retranché derrière « la dégradation de la conjoncture » et « l’intensification du niveau de la compétition économique » pour ne rien concéder lundi soir au-delà de sa propre feuille de route.

Le coup est dur pour la CFDT. Persuadée que les partenaires sociaux, marginalisés par Emmanuel Macron, pouvaient reprendre du pouvoir à l’occasion du blocage politique, Marylise Léon, sa secrétaire générale, s’est beaucoup impliquée dans le processus, au risque de briser l’unité syndicale qui s’était constituée contre la réforme des retraites. S’il se confirmait, l’échec du conclave ne fermerait, certes, pas la porte à d’autres concertations sur le financement de la protection sociale notamment. Il contrecarrerait en revanche l’hypothèse envisagée par Matignon en cas de succès d’impliquer davantage les partenaires sociaux dans la gestion de l’assurance-retraite.

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François Bayrou, quant à lui, est menacé d’essuyer un triple revers. Son pari de remettre dans le jeu les partenaires sociaux est sur le point d’être déclaré perdant. La gauche plus radicale, qui réclame le retour aux 62 ans, redresse la tête. LFI menace de le censurer avec de bonnes chances d’entraîner dans son sillage les socialistes, que le premier ministre tentait depuis six mois d’amadouer. Impopulaire et critiqué au sein même du bloc central, celui-ci apparaît plus seul que jamais, au moment où il s’apprête à dévoiler aux Français son plan de redressement des finances publiques.

Le Monde

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