Michel Barnier n’a pas voulu hausser le ton. C’est sans colère apparente, aux dires de participants, que, lundi 4 novembre, le premier ministre demande aux membres de son gouvernement de bien vouloir faire preuve « d’esprit d’équipe ». « Il est très important de veiller au collectif », insiste-t-il depuis la salle du conseil de Matignon, où se tient le deuxième séminaire gouvernemental depuis la nomination, le 21 septembre, de ses 41 ministres et secrétaires d’Etat.
Michel Barnier, qui se sait menacé à tout moment par une motion de censure, poursuit d’une voix calme : « Nous allons faire des progrès pour décider mieux ensemble et s’écouter avant de prendre des décisions, malgré les circonstances d’extrême urgence. » Autour de l’immense table nappée de rouge, l’assistance ne s’émeut guère. Pour cause, le propos ne « vise personne », jure-t-on Rue de Varenne.
Le premier ministre, qui imagine projeter son gouvernement dans un plan de réformes allant jusqu’à 2027, et même au-delà, défend un « style » qui, à l’opposé de celui d’Emmanuel Macron, n’est pas ponctué de coups de poing sur la table et de remontrances envers ses ministres. « Il n’est pas dans la caporalisation », défend son cabinet. Tant pis si son gouvernement « Frankenstein », aux dires d’un proche du chef de l’Etat, est composé de représentants de la droite dure, de centristes et d’anciens socialistes qui peinent à s’entendre, se critiquent en coulisse et défient parfois ouvertement son autorité.
« Michel Barnier n’est pas un dompteur de ministres ! »
L’ex du Parti socialiste (PS) Didier Migaud, à la justice, comme la macroniste Agnès Pannier-Runacher, en charge de la transition écologique, ont laissé entendre, à la mi-octobre, qu’ils pourraient claquer la porte si leur budget ne convenait pas ? Il ne relève pas. Peu importe, aussi, que le locataire de la place Beauvau, Bruno Retailleau, du parti Les Républicains (LR) trouble une partie de ses homologues venus de la gauche en parlant de « mexicanisation » du pays, au lendemain de faits divers dramatiques liés au narcotrafic.
Le locataire de la rue de Varenne ne cherche pas à faire baisser la tension. Il se tait aussi quand son ministre délégué à la sécurité du quotidien, Nicolas Daragon (LR), plaide, le 31 octobre, pour reprendre le contrôle sur les flux migratoires en attaquant « l’étranger » depuis l’Assemblée nationale. « L’étranger agresseur, dehors ! L’étranger qui viole, dehors ! L’étranger islamiste, dehors ! L’étranger voleur, harceleur, agresseur, trois fois dehors ! », avait asséné ce proche de Laurent Wauquiez, chef des députés LR à l’Assemblée, récoltant une standing ovation des députés Rassemblement national (RN) en suscitant l’effroi d’une autre partie de l’Hémicycle. « On était plusieurs à paniquer », raconte l’ancienne porte-parole du gouvernement, Prisca Thévenot, députée des Hauts-de-Seine (Renaissance), estimant qu’« à force de singer le RN, certains ministres vont finir par devenir RN ».
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