La Matinale du Monde a 10 ans : les coulisses de la fabrication d’une édition

Il est 7 heures, le logo de La Matinale apparaît sur le téléphone avec ce message : « Nous préparons votre édition. » Puis la pile de « cartes » multicolores – une par article – se déploie et affiche le sujet d’ouverture. Ensuite, c’est au lecteur de jouer : à lui de garder ou de passer l’article – comme sur Tinder ! Ce petit rituel addictif est né il y a dix ans, le 11 mai 2015, avec la toute première édition de La Matinale du Monde. Depuis, 3 571 éditions ont été publiées (au 11 mai 2025) et elles reçoivent deux millions de visites par mois.

La promesse : proposer une sélection de vingt articles dès 7 heures, comme un petit journal, complémentaire de l’application principale du Monde qui suit l’actualité en temps réel. Grâce à La Matinale, tous nos lecteurs ont ainsi accès à l’essentiel des informations de la nuit et de la journée à venir ; aux principaux décryptages, reportages et analyses du Monde ; ainsi qu’à des « pas de côté » plus légers pour s’évader. En dix ans, plus de 75 000 articles ont ainsi été sélectionnés selon cette alchimie.

La publication à 7 heures est le fruit d’un processus commencé vingt-quatre heures plus tôt, mobilisant une dizaine de journalistes répartis entre la rédaction de Paris et notre bureau de Los Angeles, en Californie.

Dans la matinée : un ou une journaliste de l’équipe parisienne commence à préparer l’édition du lendemain. Certains articles ayant terminé leur « circuit copie » (chacun d’entre eux, au Monde, est au minimum relu par un ou une cheffe de service ainsi que par des journalistes de l’édition puis de la correction ; certains, plus sensibles, reçoivent plusieurs relectures hiérarchiques) ont déjà été sélectionnés pour La Matinale. Le travail de l’équipe consiste alors en une nouvelle relecture, puis à l’élaboration d’une titraille spécifique – les titres de La Matinale sont souvent plus courts en raison du format des cartes et des contraintes de place sur l’écran d’un téléphone portable.

Les journalistes de La Matinale gèrent également la production de plusieurs formats publiés en priorité pour l’édition :

• Les « lettres de » : du lundi au vendredi, un correspondant du Monde nous éclaire sur un aspect de la société du pays dans lequel il réside – ou d’un autre situé dans sa zone de couverture.
• La liste de La Matinale : ce rendez-vous quotidien clôt l’édition et a vocation à donner conseils et recommandations. Certaines listes sont hebdomadaires (les séries de la semaine, les films à l’affiche, la sélection de livres, les albums et festivals de musiques), d’autres reviennent à une autre fréquence (sélections de documentaires, de podcasts, de BD, de livres jeunesse, d’expositions, de spectacles, de voyages et de jardins, de jeux vidéo…).
• Le sexe selon Maïa : chaque premier dimanche du mois, la journaliste Maïa Mazaurette analyse dans sa chronique nos représentations du corps, nos pratiques sexuelles et nos imaginaires érotiques.

Midi : c’est l’heure de la conférence de rédaction quotidienne, qui réunit des représentants de chaque service du journal autour de la direction de la rédaction. On y brosse les principaux sujets d’actualité et les articles, vidéos et lives qui seront publiés dans les prochaines vingt-quatre heures. La Matinale y annonce sa production éditoriale et commence à cibler les sujets qui constitueront l’édition du lendemain.

Dans l’après-midi : la sélection est peu à peu étoffée et évolue au gré de l’actualité et des aléas spécifiques à certains « papiers » – tel reportage annoncé à midi prendra finalement plus de temps et sera publié plus tard, tel article plus « froid » est décalé en raison d’une actualité plus chaude, etc. Souvent, le sujet d’ouverture se dessine déjà à ce moment-là, sauf actualité marquante dans la nuit.

L’édition du lendemain devient plus concrète. Les journalistes de La Matinale veillent à de multiples équilibres :

• des articles d’actualité « chaude » (la plupart du temps dans le gabarit reconnaissable à sa couleur bleue, qui mêle photo, titre et « chapô ») ;
• des enquêtes et des décryptages (gabarit de couleur rouge, sans photo), sous forme de textes ou de vidéos ;
• des reportages, des portraits ou des grands formats interactifs, mis en valeur dans un gabarit rose faisant la part belle à la photo ou à l’illustration ;
• des articles d’opinion (tribunes – « points de vue » écrits par des personnalités extérieures à la rédaction – ou analyses et chroniques – par des journalistes du Monde), matérialisés en violet et par une citation en titre ;

• des articles plus légers, qu’il s’agisse de culture, de voyage, de gastronomie, d’intimité… L’équipe de La Matinale se fixe pour objectif de consacrer un tiers de ses éditions à ces sujets plus légers pour ne pas laisser toute la place à l’actualité « sérieuse ». Avouons-le, l’objectif n’est pas toujours facile à tenir, parce que de multiples actualités sont incontournables ou parce que la production plus légère est moindre certains jours, mais le challenge est là !

Cette présélection est affinée lors d’un « tour des services », en fin d’après-midi. C’est l’occasion, entre le ou la journaliste de La Matinale qui prépare l’édition du lendemain et le ou la cheffe de service de permanence ce jour-là, de faire le point sur les articles lancés et sur le rendu prévu.

Dans la soirée : la principale difficulté des journalistes de La Matinale est… de choisir. Tant de bons articles et de sujets importants peuvent être sélectionnés parmi la centaine produits chaque jour par la rédaction ! Mais la promesse de La Matinale est de fournir une sélection de vingt contenus (dont la liste de La Matinale).

La plupart des articles retenus s’imposent par eux-mêmes, incontournables par le sujet ou par leur format (enquêtes, reportages…), mais il reste généralement une « zone grise » où la subjectivité de nos journalistes intervient. Alors vient toujours, en fin de journée, le moment où il faut écarter des sujets, souvent à contrecœur, même s’il nous arrive parfois de fournir une sélection un peu plus étoffée (notamment pour des éditions spéciales lors de grands événements d’actualité).

Dans la nuit : à partir de 23 heures, le bureau du Monde installé à Los Angeles, qui compte une vingtaine de journalistes au total, prend le relais de Paris. Il est chargé de réceptionner les derniers articles d’actualité chaude, envoyés par les rédacteurs et rédactrices dans la soirée ou au milieu de la nuit. Le « papier » est alors relu et édité et il viendra compléter La Matinale.

C’est l’équipe de Los Angeles qui apporte la touche finale à l’édition qui sera consultée par les lecteurs et lectrices : le sujet d’ouverture, qui doit être fort et dans l’actualité, l’iconographie (photos et illustrations visibles dans les « cartes ») et l’ordre d’apparition des articles. Ce dernier, forcément subjectif, répond à une subtile équation entre de multiples facteurs : essayer à la fois de donner en priorité les informations les plus importantes, de ne pas cantonner les sujets « légers » uniquement à la fin pour alléger la première partie, de varier les couleurs des « cartes » ou encore de ne pas enchaîner plusieurs photos trop similaires. Pas toujours simple !

Après une relecture des titres et « chapôs » des « cartes » par des correcteurs et correctrices travaillant à Paris à partir de 6 h 30 vient ensuite, à 7 heures, le moment d’appuyer sur le bouton « Exporter en public », qui délivre l’édition sur les quelque 430 000 téléphones et tablettes sur lesquels l’application est installée. La notification « L’édition [du jour] est disponible » apparaît sur l’écran de celles et ceux qui souhaitent en être prévenus. A Paris, un journaliste de l’équipe de La Matinale se connecte pour apporter un œil neuf et éventuellement renvoyer l’édition en cas de problème. Un café ou un thé, puis viendra le moment de commencer à préparer l’édition du lendemain.

Téléchargez l’application pour iOS sur l’AppStore : http://lemde.fr/LMAppStore

Téléchargez l’application pour Android sur Google Play : http://lemde.fr/LMGPlay_M