En Lettonie, une majorité de députés dénonçant un texte promouvant la notion de « genre » a voté, jeudi 30 octobre, la sortie du pays balte de la Convention d’Istanbul sur la prévention des violences faites aux femmes. Il s’agit ainsi d’une première au sein de l’Union européenne.
Ratifiée par les parlementaires lettons en novembre 2024, cette convention du Conseil de l’Europe exige des parties signataires l’élaboration de lois et de politiques destinées à mettre fin à la violence à l’égard des femmes et aux violences domestiques.
Les élus du Saeima, le parlement de Riga, ont voté la sortie à une large majorité de 56 voix (32 contre et deux abstentions) à l’issue d’une procédure d’examen accélérée en commission puis en plénière. Les partis de droite dans l’opposition se sont prononcés pour, ainsi que des représentants de l’Union des verts et des paysans, membres de la coalition gouvernementale dirigée par la première ministre de centre droit Evika Silina et dont les autres formations défendaient le maintien.
Si elle est approuvée par le président de la république Edgars Rinkevics, cette décision fera de la Lettonie le premier Etat membre de l’UE à quitter la convention, a prévenu cette semaine Saara-Sofia Sirén, représentante spéciale de la présidence en exercice de l’OSCE pour les questions de genre, qui avait exhorté Riga à « respecter ses engagements internationaux ».
Edgars Rinkevics avait fustigé, quelques jours avant le vote, un coup politique à l’approche des élections législatives de 2026. Il a aussi estimé que la question divisait la société lettone et expliqué qu’il se fonderait sur le droit pour entériner ou non le vote, plutôt que sur des arguments politiques.
Une société divisée
Parmi les avocates de la motion, la députée Ramona Petravica a reproché à la Convention d’Istanbul de porter la notion de « genre », contraire à ses yeux aux valeurs traditionnelles de la Lettonie. Sa collègue Linda Liepina y a vu « une idéologie étrangère s’immisçant dans la vie quotidienne » des Lettons. « L’anormal devient la norme », selon elle. Le Conseil de l’Europe a récusé ces allégations par le passé, affirmant notamment en 2022 que « la Convention d’Istanbul n’établit aucune nouvelle norme sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle ». La droite lettone assure que la sortie de la convention n’affaiblira pas l’action publique dans la lutte contre les violences faites aux femmes, et que les lois nationales suffisent.
Amnesty International et des diplomates de pays européens membres de la convention – dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni – avaient exprimé leur inquiétude en amont du scrutin. Plusieurs manifestations se sont tenues à Riga ces dernières semaines à l’initiative d’associations de défense des droits des femmes, vent debout contre un vote à visée « populiste ».
Mobilisation publique
Près de 5 000 personnes ont protesté mercredi soir devant le parlement aux cris de « Arrêtez de protéger les agresseurs ! » et brandissant des drapeaux européens et de la communauté LGBT +.
« La ratification de la Convention d’Istanbul en Lettonie a produit des résultats significatifs, qui ne sont pas seulement des mots sur le papier, mais représentent des vies sauvées », a plaidé le Centre MARTA qui milite pour les droits des femmes et des migrants. Selon cette ONG, la Lettonie a renforcé son arsenal législatif grâce à la convention, en adoptant en particulier un texte contre les violences domestiques qui était jusqu’alors bloqué au parlement.
L’ancienne présidente lettone Vaira Vike-Freiberga a mis en garde contre un retrait, inspiré selon elle par « la propagande [du président russe Vladimir] Poutine ». « Nous ne devons pas nous écarter des valeurs fondamentales de l’Europe », a-t-elle dit sur son compte X.
La droite lettone est aussi à l’origine d’une récente proposition d’amendement de la loi sur l’avortement prévoyant des restrictions au recours à l’IVG dans ce pays.

 
		



 
									 
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