Véritable paradoxe, les Français ne considèrent pas la grippe comme une menace, alors qu’elle est responsable, en moyenne, de 9 000 morts par an – trois fois plus que les accidents de la route – et de complications à distance de l’épisode grippal, cardio-vasculaires ou neurologiques, voire d’un glissement vers la perte d’autonomie. Elle représente un immense fardeau pour notre système de santé : 2 millions de consultations, 110 000 passages aux urgences et plus de 15 000 hospitalisations par an.
Cet hiver, la grippe a été particulièrement sévère. La situation est telle qu’un plan blanc a été déclenché dans plus de 100 hôpitaux, avec des conséquences importantes pour les patients chroniques, qui voient leurs opérations et leurs soins différés.
Comment cette situation d’urgence sanitaire est-elle possible, alors que l’épidémie est attendue chaque année ? Il y a, évidemment, certains facteurs sur lesquels nous n’avons que peu de contrôle : la virulence et la variabilité des souches virales incriminées. En revanche, il y a d’autres facteurs sur lesquels nous pouvons et devons agir.
Trop tardif
D’abord, le renforcement de la solidarité vis-à-vis des plus fragiles. Celle qui nous avait conduits, pendant la pandémie de Covid-19, à adopter les gestes barrières et à nous faire vacciner massivement (concept du « cocooning ») a été oubliée collectivement. L’obligation, morale et déontologique, de protection des personnes fragiles (patients chroniques, immunodéprimés, sujets âgés notamment dans les Ehpad) devrait être rappelée aux soignants, aux aidants et aux proches pour bâtir une barrière de protection. Cette dernière peut être renforcée par la vaccination des enfants, réservoir important de virus.
Ensuite, nos couvertures vaccinales contre la grippe sont trop faibles. La France est à la traîne de l’Europe : seul un Français de plus de 65 ans sur deux est vacciné, et moins d’un porteur de pathologie chronique de moins de 65 ans sur trois a reçu une dose de vaccin. Cette année, la très grande majorité des patients hospitalisés en réanimation pour une grippe n’avaient pas été vaccinés. A titre de comparaison, les Anglais ont atteint l’objectif recommandé par l’Organisation mondiale de la santé de 75% des populations cibles vaccinées.
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