« Il faut fermer la boîte à chagrins. » Plus de soixante ans après, cette formule prononcée par le général de Gaulle en 1961 à propos de la guerre d’Algérie n’a rien perdu de son actualité. Nombreux sont ceux qui s’emploient à la maintenir ouverte, que ce soit parmi les lointains héritiers politiques du grand architecte de la décolonisation, ou à l’extrême droite qui encense l’ancien chef de l’Etat après l’avoir haï. La « boîte » algérienne n’est plus tant la guerre de 1954-1962 que le régime répressif d’Alger, dont la rhétorique antifrançaise et les références incessantes à la colonisation et au conflit servent à masquer les échecs. Ainsi, derrière la dénonciation justifiée de la « rente mémorielle », assurance-vie des dirigeants algériens, la « boîte » continue de charrier son torrent de hargne et de désir de revanche, avec, au centre, la figure repoussoir à haut potentiel électoral de l’immigré algérien.
Prenez Bruno Retailleau posant les bras croisés à la une de L’Express sous le titre « Rien ne donne à l’Algérie le droit d’offenser la France », le 23 janvier. Sa colère de ministre de l’intérieur envers un pays qui rechigne à reprendre ses expulsés, emprisonne un écrivain français et pourchasse ses opposants par le biais d’influenceurs pourrait paraître logique. Mais, s’agissant de l’Algérie, il va plus loin.
Sans doute pour asseoir une image de présidentiable, il use du registre de l’« offense », en affirmant que « beaucoup de Français se sentent blessés ». Puis il passe à celui de la rancœur, en soutenant que « la France est trop généreuse » en matière de visas aux Algériens. La « blessure » renvoie implicitement au traumatisme majeur qu’a été la perte de l’Algérie. La « générosité » concerne l’immigration. Ce qui paraîtrait déplacé envers tout autre pays – faire référence à la décolonisation pour envoyer un message sur l’immigration – paraît normal à propos de l’Algérie plus de six décennies après son indépendance.
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