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Histoires Web dimanche, novembre 24
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De Thomas De Quincey à Will Self en passant par Arthur Rimbaud, les drogues ont donné lieu à une littérature foisonnante. Antidotes à la mesure ­bourgeoise, qu’elles expriment l’excès ou le dérèglement, elles témoignent d’une volonté non sans danger d’engagement dans l’introspection créative. Rimbaud, « l’homme aux semelles de vent », a été l’un des premiers à réclamer, dans son célèbre recueil de poèmes en prose Une saison en enfer (1873), la mise en œuvre d’un « raisonné dérèglement de tous les sens » propice, selon lui, à la création poétique. Souvent associé à l’image du poète maudit, il entretenait pourtant un rapport ambigu avec les substances qui modifient la perception.

Nombreux sont ceux qui lui ont emboîté le pas. Certains ont fait des stupéfiants un axe déterminant de leur travail, d’autres n’y ont vu qu’un mirage sans intérêt ou un refuge contre la dépression ou la souffrance physique. Une minorité a trouvé dans les psychotropes une porte vers une dimmension plus vaste. Entre connaissance et oubli de soi, la frontière est parfois ténue.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde – Les narcotrafiquants : leurs réseaux, leurs crimes, la riposte », novembre-décembre 2024, en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

L’écrivain allemand Ernst Jünger, fasciné par les expériences extrêmes, résume parfaitement cette ambiguïté dans Approches, drogues et ivresse, un ouvrage majeur paru en 1970 : « Oublier quelque chose, fuir quelque chose et d’autre part vouloir atteindre, gagner quelque chose, c’est entre ces deux pôles que se meut tout le problème de l’ivresse. » On se drogue par douleur, chagrin, curiosité, goût de la trans­gression tout autant que pour s’ouvrir à une forme différente de conscience et de pensée, ni cognitive ni discursive. Pour Jacques Rigaut, l’un des agitateurs les plus actifs du groupe dada parisien, connu pour son esprit nihiliste au début du XXe siècle, l’usage des stupéfiants se passe simplement de toute justification.

Alice haut perchée

Si, au XVIe siècle, Rabelais faisait déjà état dans ses écrits de substances altérant l’esprit, Thomas De Quincey, autoproclamé « pape de l’Eglise de l’opium », est le premier écrivain au monde à avoir raconté sans fard l’usage récréatif d’une drogue, en l’occurrence le laudanum, teinture alcoolique d’opium très prisée à l’époque victorienne. Ses Confessions d’un mangeur d’opium anglais, publiées en 1822, marquent ainsi le début d’une longue suite d’imitations. Balzac s’inspire par exemple de la traduction un peu fantaisiste du texte par Alfred de Musset pour rédiger une courte nouvelle (L’Opium) en 1830.

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