Alors que « pour la 19e année consécutive, les comptes de l’Etat ne sont pas en mesure d’être certifiés sans des réserves très significatives », la Cour des comptes pourrait refuser de certifier les comptes de l’Etat si ses recommandations ne sont pas mieux écoutées, a mis en garde, mercredi 16 avril, son premier président, Pierre Moscovici. Ce dernier a toutefois estimé que le budget 2025 s’annonçait mieux que celui de 2024.
« J’aimerais vous faire part, non pas de ma mauvaise humeur, mais de ma très mauvaise humeur s’agissant des suites – ou plutôt de l’absence systématique de suites – qui sont données à l’acte de certification que nous publions annuellement », a lancé M. Moscovici devant la presse à l’Assemblée nationale, puis lors de son audition devant la commission des finances, en présentant divers documents dont la certification des comptes de l’Etat pour 2024.
« J’imagine la situation d’une entreprise » où le commissaire aux comptes « certifierait les comptes avec de fortes réserves ou ne les certifierait pas, et où le conseil d’administration dirait “on s’en fiche” : l’Etat fait ça, la Sécurité sociale fait ça », a-t-il déclaré. Estimant que « les réserves formulées par la cour ne sauraient être prises à la légère ou contestées », il a jugé qu’elles devraient, « au contraire, faire l’objet de toute l’attention de l’administration pour les faire disparaître ».
Avant d’affirmer qu’« en l’absence de progrès significatifs en 2025, la cour pourrait être amenée à (…) ne pas certifier les comptes », comme il l’a écrit en ce sens cette semaine au ministère de l’économie et des finances. Son audition se tenait alors que les ministres de l’économie et des comptes publics ont présenté mercredi en conseil des ministres leur trajectoire budgétaire, très légèrement ajustée par rapport à octobre, notamment sur la croissance, avec toujours l’objectif de ramener le déficit public sous 3 % en 2029.
« Gestion erratique » du budget 2024
Après 5,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2024, le gouvernement entend réduire le déficit à 5,4 % cette année au prix d’un effort budgétaire d’une cinquantaine de milliards d’euros, puis à 4,6 % en 2026 grâce à un nouvel effort chiffré à environ 40 milliards d’euros, qui reposerait essentiellement sur une réduction des dépenses. Pour ces deux années, c’est un léger ajustement par rapport aux projections de respectivement 4,0 % et 3,3 % qui figuraient dans la trajectoire budgétaire de la France transmise en octobre par le précédent gouvernement à la Commission européenne.
Actuellement le plus élevé de la zone euro, le déficit continuerait de refluer ensuite, à 4,1 % du PIB en 2027 et 3,4 % en 2028, selon le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) dont les principaux chiffres ont été dévoilés mardi lors d’une conférence de presse du premier ministre. François Bayrou a mis en garde les Français contre le « piège dangereux » de la dette et a annoncé vouloir donner les grandes orientations du budget 2026 « avant le 14 juillet ».
Mercredi, le premier président de la cour a, par ailleurs, eu de nouveau des mots très durs au sujet du budget 2024, concocté à l’automne 2023 avec des prévisions qui se sont révélées trop optimistes par des équipes alors dirigées par l’ancien ministre Bruno Le Maire – notamment un déficit public annoncé à 4,4 % du PIB qui a dérapé à 5,8 %.
Regrettant qu’il n’y ait pas eu de loi de finances rectificative au début de 2024, pour tenir compte de dérapages déjà constatés en 2023, Pierre Moscovici a dénoncé « la gestion erratique, le pilotage à vue, la succession de reports, gels, surgels, coups de rabot » l’année dernière.
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Sur 2025, « c’est un peu mieux, il faut le reconnaître », même si « nous observons encore soit de légers biais optimistes, soit des risques qui ne sont pas tout à fait évalués », a jugé M. Moscovici. « Néanmoins, a-t-il salué, la prévision de croissance [actuelle] à 0,7 % n’est pas hors d’atteinte, même si les risques liés à la conjoncture internationale et à l’incertitude géopolitique sont élevés. »