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Histoires Web vendredi, juin 20
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« La Conscience de Staline. Kojève et la philosophie russe », de Rambert Nicolas, Gallimard, « Bibliothèque des idées », 222 p., 20 €, numérique 15 €.

On croirait ce livre traduit du russe. Non celui de Vladimir Soloviev (1853-1900), dont l’auteur est spécialiste, cette langue exaltée, inspirée, des philosophes religieux de l’Empire russe finissant. Le russe d’aujourd’hui. Celui des intellectuels qui, sous Poutine, contribuent, non sans exaltation à leur tour, à réhabiliter les « grandes réalisations » de l’URSS, au nom d’un idéal que, justement, Rambert Nicolas entend décrire dans La Conscience de Staline.

Rambert Nicolas est un jeune professeur de philosophie. Il a notamment enseigné au Collège universitaire français de Moscou. Son petit livre, qui paraît dans la prestigieuse « Bibliothèque des idées » de Gallimard, est le commentaire d’un texte qu’il vient de traduire dans la même collection : un inédit du philosophe français d’origine russe Alexandre Kojève (1902-1968), Sophia I. Philosophie et phénoménologie (544 pages, 28 euros, numérique 20 euros).

Il lui doit d’ailleurs son titre : « la conscience de Staline », c’est Kojève lui-même, tel qu’il se définissait. On connaît l’auteur d’Introduction à la lecture de Hegel (Gallimard, 1947) comme un penseur de la « fin de l’histoire », laquelle trouverait son accomplissement dans une société mondiale où « rien ne change plus ». Sophia, première étape d’un plus vaste projet, finalement interrompu, permet de prendre la mesure concrète de cette théorie : il la fait coïncider avec la politique de Staline.

Kojève a commencé à l’écrire en 1940. C’est l’année où, selon plusieurs enquêtes, il est devenu « agent de valeur » pour le KGB. Deux ans plus tôt, la Grande Terreur organisée par Staline avait fait 750 000 morts. Un an auparavant, l’URSS avait signé avec l’Allemagne nazie un pacte qui en faisait l’alliée. Kojève, manifestement, assumait tout, en « stalinien de stricte observance » pour qui le philosophe était « tenu de participer activement au travail (…) qui vise à réaliser la société communiste », écrit-il dans Sophia. « A terme », résume son commentateur, l’humanité devait construire une solidarité universelle, « mais il fallait l’atteindre par l’acier », comprendre : « la mise à mort des générations conservatrices précédentes ».

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