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Histoires Web mardi, octobre 22
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La comédienne Christine Boisson est morte le 21 octobre à l’âge de 68 ans, des suites d’une maladie pulmonaire. Un corps guerrier, un regard de feu et une voix sourde qui savait contenir le hurlement : cette actrice tempétueuse ne laissait pas indifférents les spectateurs. Alors qu’elle commence une carrière de mannequin, elle n’a que 17 ans lorsque Just Jaeckin lui propose de jouer dans Emmanuelle (1974). Elle est Marie-Ange, une adolescente dépourvue d’inhibition. La scène où elle se masturbe devant le regard de Sylvia Kristel marquera les esprits. C’est l’éternelle histoire d’une actrice qui, parce qu’elle s’est dénudée une fois au cinéma, qui plus est dans un film érotique immensément populaire, se voit proposer sans cesse le même rôle.

Lassée de n’avoir à offrir que son physique, Christine Boisson tente et réussit un virage à 180 degrés grâce au théâtre, qui lui ouvre les portes du cinéma d’auteur international. Les spectateurs resteront marqués par ce frêle visage au front bombé, ces pommettes hautes et ces yeux d’encre, fixes, éclatants, enfantins – Boisson, ou la jumelle secrète de Jeanne Moreau, qui porte son visage comme un masque.

En scène, elle était de ces interprètes imprévisibles dont on ne sait pas ce qu’ils sont capables de faire. Franchir ou ne pas franchir les limites ? Avec elle, les bascules ne prévenaient pas. Douceur et puis violence, masculin et féminin entrelacés, sensualité et brutalité, lenteur ou rapidité. Elle domptait sa sauvagerie sur les planches. « C’était une reine », témoigne sur les réseaux sociaux Jean-Marie Besset, traducteur d’une pièce de Tennessee Williams qu’elle a jouée en 2011 (Tokyo Bar). Ce sera la dernière grande apparition au théâtre de cette interprète formée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique (promotion 1977). Elle y était, ajoute Besset, « incandescente et magistrale ».

Le goût du risque

Pareil tempérament n’était sans doute pas simple à manier. Lorsqu’elle la filme dans Le Bal des actrices (2009), la réalisatrice Maïwenn l’installe dans le rôle d’une prof de théâtre entière, violente et maltraitante qui exige de ses élèves un don sans retenue au jeu et aux textes. Ce portrait lui était-il fidèle ? Christine Boisson n’aimait pas la demi-mesure. Elle était, confiait-elle au Monde en 2004, « actrice avant tout, avant même d’être un individu, entrée très tôt dans la carrière ».

Entrée très tôt, c’est vrai, et très vite cooptée par la fine fleur des metteurs en scène. Roger Planchon, pape de la décentralisation dans les années 1970, la dirige à trois reprises dans son fief, le TNP de Villeurbanne (Périclès, prince de Tyr, de Shakespeare, en 1977, Antoine et Cléopâtre, du même Shakespeare, en 1978, Andromaque, de Racine, en 1988). Elle collabore aussi avec Robert Gironès, un artiste remuant, radical et avant-gardiste. Elle a le goût du risque et choisit de s’orienter vers les auteurs de son temps. Ce qui veut dire qu’elle accepte le saut dans le vide des écritures contemporaines.

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