La chronique « poche » de François Angelier, consacrée à Maurice Ravel

D’ordinaire, Gallimard est éditeur. Ne se lancerait-il pas dans la confection de produits fées, d’objets hantés ? Question que pose cette « box » Ravel, cube magique conçu par l’éminentissime musicologue ravélien (préférable à ravelologue) Manuel Cornejo. Il suffit d’en frotter le coffret, de l’ouvrir les yeux fermés à l’une de ses 2 490 pages, pour que s’en échappe tout soudain, tel le génie de la lampe, le fantôme chamarré, le génie prompt et net de Maurice Ravel (1875-1937). Il y a là, à l’exception de ses partitions, en deux tomes opulents, présentés et annotés avec une précision et une frénésie inquiétante, « tout » ce qu’a pu écrire et publier l’auteur de L’Enfant et les sortilèges, à savoir les 2 000 lettres ou cartes d’un homme censé répugner à la correspondance, les centaines de courriers où il est évoqué par amis, faux amis et confrères, puis ses 147 publications (articles, entretiens). Une somme qu’accroissent encore envois et dédicaces, documents d’actualité, juridiques et médicaux, disco- et filmographie.

Un paradis de papier pour stricts mélomanes ravéliens ? Que nenni ! L’ensemble, de 1895 à 1937, reconstitue, outre le quotidien du maître, l’histoire de ses œuvres et l’actualité musicale européenne au jour le jour, un passionnant déroulé de la vie culturelle en ses tensions et soubresauts. Rien ne dit mieux cette évolution que les clichés ravéliens en couverture : le premier, de 1907, nous offre le sémillant faciès à la Méliès d’un dandy Belle Epoque, col dur emperlé et moustache en croc, le second, de 1930, un sourire douloureux peinant à dérider un visage glabre et émacié. Entre les deux, une reconnaissance internationale, mais également, 1916, l’épreuve de Verdun, la maladie grandissante, une solitude peuplée.

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