Le 8 avril 2021, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale vote une proposition de loi sur le « droit à une fin de vie libre et choisie ». Moins de trois mois après, la nouvelle loi bioéthique ouvre le droit à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et permet aux enfants nés sous X de connaître leurs origines. On s’était alors laissé à espérer : l’époque du paternalisme en matière de bioéthique était-elle enfin derrière nous ?
« Paternalisme de la bioéthique à la française » : l’expression a été forgée il y a dix ans par les chercheurs Eric Fassin, Daniel Borrillo et Dominique Mehl, qui ont étudié les débats des lois de révision bioéthique de 1994 et 2004 – qui n’avaient finalement pas révisé grand-chose. Tous trois constataient, dans leurs différents travaux, que, dans les grands débats français de cette période, à la différence des pays voisins, des points de vue s’échangeaient pendant des mois avec passion, pour qu’à la fin l’immobilisme l’emporte.
Grands principes contre vécu
On le voit de nouveau en ce moment avec la loi sur la fin de vie, mise sur pause, et la légalisation des drogues, même pas envisagée. La bioéthique à la française serait-elle un mélange de refus de la réalité – les grands principes surplombant les pratiques – et de paternalisme – un Etat protégeant la société et les individus de leurs propres pratiques ?
Il faut revenir aux débats sur la pilule contraceptive et l’avortement au milieu des années 1960 pour comprendre cette bizarrerie française. Il est alors moins question de l’opposition entre grands principes – provie contre prochoix – que de la confrontation entre les grands principes d’un côté et le vécu des personnes concernées de l’autre.
L’Eglise catholique représente le premier point de vue, ce que l’on appelle l’« éthique principielle » : tu ne tueras point, point final. Parmi les voix – trop masculines – qui portent le second point de vue, que nous nommons « éthique embarquée », se trouve notamment un intellectuel oublié : le pasteur protestant André Dumas (1918-1996).
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