Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch France : « Une minorité d’acteurs contrôle nos assiettes, cela entraîne des verrous très forts »

Engagée de longue date sur le terrain associatif avec Action contre la faim puis Greenpeace, Karine Jacquemart dirige depuis 2015 l’antenne française de Foodwatch, une association de défense des consommateurs qui milite pour plus de transparence et pour l’accès de tous à une alimentation saine, choisie et durable. Elle a publié Les Dangers de notre alimentation (Payot, 2025).

Certains considèrent l’alimentation comme un sujet individuel. Avec l’association Foodwatch, vous défendez au contraire l’idée qu’il s’agit d’un enjeu résolument politique. En quoi se battre pour nos assiettes est-il se battre pour plus d’égalité ?

L’alimentation n’est pas une marchandise comme une autre, c’est un bien vital. Si vous contrôlez l’alimentation, vous contrôlez les populations. C’est aussi à la croisée des enjeux – de santé publique, environnementaux, sociétaux, culturels, démocratiques… C’est un levier transversal extrêmement puissant, pour le meilleur et pour le pire. Le combat pour l’égalité commence dans l’assiette, et les exemples d’épiceries solidaires, de groupements d’achat dans les quartiers populaires, d’expérimentations de sécurité sociale de l’alimentation redonnent du lien social. A contrario, c’est aussi un levier très fort pour ceux qui veulent verrouiller le système.

Pourquoi est-il important d’envisager l’alimentation comme un enjeu de droit ?

Que tout le monde accède à une alimentation saine, choisie, durable, abordable est un droit fondamental. Il existe une définition internationale de la souveraineté alimentaire, au niveau des Nations unies, qui entérine ce droit et qui défend une idée de démocratie autour de ce que l’on produit, comment on le produit et ce que l’on mange. Ce n’est pas du tout la définition de la souveraineté alimentaire retenue par les derniers gouvernements français, qui ne l’ont envisagée que sous l’angle de l’autonomie alimentaire. Et encore, l’autonomie alimentaire envisagée est très relative, puisqu’on a un modèle entièrement dépendant des importations – de soja pour l’alimentation animale notamment, et des engrais de synthèse.

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