C’est un nouvel épisode judiciaire qui risque d’agiter le monde du karaté. Selon une information de l’Agence France-Presse (AFP), confirmée au Monde par une source proche du dossier, treize licenciés de la Fédération française de karaté et disciplines associées (FFKDA), dont la plupart ont exercé – ou exercent encore – des fonctions à responsabilités, ont déposé plainte contre X, mercredi 4 décembre, devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour des soupçons de corruption passive et de trafic d’influence passif, de faux et usurpation de titres au sein de la fédération.
Selon les termes de la plainte, que Le Monde a consultée, « de graves dysfonctionnements ont pu être observés dans le cadre de la campagne visant à l’élection d’un nouveau président et d’un nouveau conseil d’administration, de nature à recouvrer une qualification pénale » – les dirigeants des quelque 4 800 clubs en France sont convoqués aux urnes du 5 au 12 décembre.
Les plaignants, parmi lesquels des anciens vice-présidents de la FFKDA et des membres du conseil d’administration, reprochent notamment au président actuel, Francis Didier, de délivrer depuis un an des grades – les dans – à des licenciés alors que la commission spécialisée seule habilitée à le faire ne s’est pas réunie depuis « au moins l’été 2023 ». Et ce, dénoncent-ils, afin de s’assurer d’un vote favorable à Bruno Verfaillie, le candidat que Francis Didier soutient pour lui succéder.
L’octroi discrétionnaire d’un grade en échange d’une contrepartie est de nature à constituer, selon l’article 432-11 du Code pénal, souligne le cabinet d’avocats Constantin-Vallet, dépositaire de la plainte, un délit de « corruption passive et un trafic d’influence passif ».
En outre, font valoir les plaignants, le non-respect de la procédure d’attribution des grades revient à considérer les dans délivrés depuis plus d’un an comme des « faux », et leurs récipiendaires « coupables d’une usurpation de titres ».
Sollicité, le président de la FFKDA Francis Didier n’a pas répondu à notre demande d’échange au téléphone. Le service de presse de la fédération a envoyé un courrier jeudi 5 décembre à l’AFP dans lequel elle assure n’avoir « aucune information au sujet de cette plainte, dès lors il ne nous est pas possible de réagir ».
« Des conséquences en seront tirées »
La plainte déposée le 4 décembre par des licenciés de la FFKDA entache la fin de présidence de Francis Didier. A la tête de la fédération depuis 2001, l’homme fort du karaté, aux méthodes jugées autoritaires par ses opposants, ne peut plus se représenter conformément à la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport, qui limite le nombre de mandats.
Elle fragilise également un peu plus une fédération dans le viseur du ministère des sports. La FFKDA fait l’objet depuis juillet d’une mission d’évaluation par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, étendue à plusieurs fédérations de sports de combat.
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« Si des procédures judiciaires conduisent à des condamnations, il est clair que des conséquences en seront tirées », a prévenu Fabienne Bourdais, la directrice des sports au ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative, évoquant le retrait possible de l’agrément à la FFKDA, par lequel une fédération peut organiser la pratique sportive.
En 2016, Francis Didier avait fait l’objet d’une enquête de l’inspection générale de la jeunesse et des sports, motivée par des soupçons d’abus de confiance. Le rapport n’a jamais été rendu public, mais le procureur de la République avait alors été saisi sans que cela donne lieu, indique le ministère, à des suites judiciaires.
Le président de la fédération de karaté a par ailleurs été condamné en 2010 à une amende pour prise illégale d’intérêts en 2010 – il avait favorisé la société de crèmes glacées de sa femme, fournisseuse de la FFKDA – et à un redressement fiscal de 70 000 euros pour des avantages en nature non déclarés – notamment la mise à disposition d’un appartement parisien loué aux frais de la fédération. Sa gestion a également valu à la FFKDA de payer, en 2014 et 2015, 190 000 euros à l’Urssaf et 134 000 euros au fisc.