La mort du streameur Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, lors d’un live streaming diffusé sur la plateforme Kick, « n’a pas une origine traumatique et n’est pas en lien avec l’intervention d’un tiers », a communiqué le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, jeudi 21 août, rendant compte de l’autopsie. Le magistrat ajoute que « les causes probables du décès apparaissent donc d’origine médicale et/ou toxicologique ».
Précisément, l’homme de 46 ans présente une « absence de lésions traumatiques tant au niveau interne qu’externe, notamment au niveau du visage et du crâne », une « absence de lésions correspondant à des brûlures » mais « quelques ecchymoses et lésions cicatrisées plus particulièrement sur les membres inférieurs ». Le parquet ajoute que des analyses complémentaires, toxicologiques et anatomopathologiques ont été ordonnées pour préciser les causes de la mort. Ces analyses seront mises en relation avec certains témoignages faisant état de « difficultés cardiaques » mises en évidence lors d’une anesthésie en Turquie en 2024, et d’un « traitement médical pour la glande thyroïde », ajoute le procureur.
« JP » était suivi par des centaines de milliers d’abonnés pour ses vidéos le montrant subissant violences et autres humiliations, notamment de deux partenaires connus sous les pseudos de « Narutovie » et « Safine ». Ces vidéos étaient diffusées sur différents sites, notamment Kick, plateforme australienne, grande concurrente du leader mondial du live streaming, Twitch, et aux règles de modération plus relâchées.
Narutovie et Safine placés en garde à vue en janvier
Une vidéo diffusée en live lundi sur Kick, et largement partagée depuis, montre, selon des internautes, JP dans les moments juste avant sa mort et la découverte de son corps. Il est allongé inanimé sous une couette dans un lit, avec deux autres hommes, dont l’un, apparemment Narutovie, jette une petite bouteille d’eau en plastique dans sa direction.
« Mon client n’a aucune responsabilité dans ce décès » et « se tient à la disposition » des enquêteurs, a fait part à l’Agence France-Presse (AFP) son avocat, Yassin Sadouni. Il a annoncé dans un communiqué son intention de déposer plainte suite à une « campagne de cyberharcèlement » dont son client ferait l’objet à la suite de cette affaire.
En janvier, la police judiciaire de Nice avait déjà été saisie, après un article de Mediapart, pour, notamment, des faits de « violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables (…) et diffusion d’enregistrement d’images relatives à la commission d’infractions d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne ».
Narutovie et Safine avaient été placés en garde à vue le 8 janvier et du matériel de tournage avait été saisi. Mais « tant les personnes susceptibles d’être mises en cause que celles d’être victimes contestaient la commission d’infractions », avait à l’époque souligné le parquet. Lors de leurs auditions, Jean Pormanove et Coudoux, un autre streameur, « contestaient fermement être victimes de violences, indiquant que les faits s’inscrivaient dans des mises en scène visant à “faire le buzz” pour gagner de l’argent ».
L’Arcom saisie
Sur certaines vidéos, encore visibles sur divers réseaux, on peut voir JP se faire tirer dessus sans porter de protection avec des projectiles de paintball, être frappé par ses partenaires lors de séances de gaming, ou se retrouver systématiquement dans le rôle du souffre-douleur en privé ou en public, tout en semblant consentir à ce rôle.
Clara Chappaz, ministre déléguée chargée du numérique, a dénoncé sur X « une horreur absolue » et précisé avoir « saisi l’Arcom et effectué un signalement sur Pharos », le service de lutte contre la violence en ligne. « J’ai également contacté les responsables de la plateforme pour obtenir des explications. La responsabilité des plateformes en ligne sur la diffusion de contenus illicites n’est pas une option : c’est la loi », a-t-elle souligné.
« Nous sommes profondément attristés par la perte de Jean Pormanove », a dit par mail à l’AFP un porte-parole de Kick. « Nous examinons de toute urgence les circonstances et collaborons avec les parties prenantes concernées (…). Les règles de la communauté Kick visent à protéger les créateurs, et nous sommes déterminés à les faire respecter sur l’ensemble de notre plateforme. » Mercredi, l’Arcom a déclaré qu’elle parlerait « dans les prochains jours » avec les responsables de la plateforme Kick pour savoir quelles mesures ont été prises quand étaient diffusés les sévices subis par Jean Pormanove.