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Histoires Web samedi, octobre 19
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On peut généralement faire confiance à Alain Guiraudie pour organiser du trouble et du pétillant sur son plateau. Le casting fait partie de ses leviers. Dans Miséricorde, autour de l’étonnante Catherine Frot, que le public connaît bien, s’étage une grappe d’acteurs qui, pour formidables qu’ils soient, ne sont pas immédiatement identifiables. Dans ce déroutant polar homosexuel, mystique et sylvestre, Félix Kysyl, Jean-Baptiste Durand, David Ayala tiennent ainsi leur part d’étrangeté. La palme du bizarre revient toutefois à Jacques Develay, qui interprète un personnage d’abbé comme on en voit peu au cinéma.

Possiblement épris de Jérémie, le jeune homme soupçonné de meurtre, ce personnage apparaît toujours inopinément, au coin du bois, pour tantôt le surprendre, tantôt lui sauver la mise. Deus ex machina folâtre, l’abbé, parabole d’une protection divine qui s’est faite chair, finit par le mettre dans son lit pour le protéger des gendarmes. Le tandem qu’il forme avec le héros semble ainsi découpler l’angélique visiteur du Théorème (1968), de Pier Paolo Pasolini, dont Miséricorde serait l’avatar rural. Le plus troublant est que le mystère de ce rôle se poursuit quand on rencontre son interprète.

Homme discret, d’une vive intelligence, Jacques Develay, 72 ans et une poignée d’apparitions au cinéma, est, comme son personnage, une révélation. Il parle admirablement de son rôle : « L’abbé comprend les choses avant tout le monde, il discerne des choses chez Jérémie. Ce discernement fait partie de son boulot, pour moi. Il est par ailleurs un homme qui est lui-même flou sur son désir. Ce n’est pas un abbé bonhomme. Il porte la parole, il a un amour évangélique, universel, et un amour particulier, qui s’incarne. Les dimensions verticale et horizontale se confondent chez lui. »

« Six rôles d’ecclésiastique »

La connaissance et l’intérêt de la religion catholique qui transparaissent dans ces propos renvoient en vérité au jardin intérieur que cultive Jacques Develay. Né dans l’Yonne d’un père fonctionnaire et d’une mère au foyer « dévote et réactionnaire », ce Bourguignon reçoit « une éducation catholique intégrale ». Il passe son adolescence au Collège de France, à Paris, dont son père est secrétaire général. Plus tard, étudiant en lettres à Nice, il fait la rencontre importante d’un aumônier du foyer où il réside, qui le révèle à une dimension plus lumineuse de la foi. Le jeune homme y trouve matière à s’inscrire au grand séminaire pour y devenir prêtre. Puis renonce, et se lance, dans les années 1980, dans une carrière d’acteur et de metteur en scène de théâtre dans plusieurs compagnies. Il y monte Garcia Lorca, Peter Weiss, Fassbinder, Tchekhov. Dans les années 1990, il entame tardivement une carrière audiovisuelle, obtenant des rôles secondaires dans des séries telles que L’Instit ou, plus récemment, Ainsi soient-ils, ainsi qu’au cinéma.

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