En conviant Ivan Fischer et le Budapest Festival Orchestra à l’inauguration des Rencontres musicales d’Evian, Renaud Capuçon, directeur artistique de la manifestation qui se tiendra jusqu’au 5 juillet, a frappé fort. C’est en effet l’âme chavirée que le public a suivi en retenant son souffle une Cinquième symphonie de Mahler qui restera dans les mémoires. Il y a d’abord l’excellence des musiciens tchèques. Des vents colorés et incisifs, parfois goguenards et organiques, capables de couvrir un spectre infini de nuances, du classique au populaire (jamais racoleur ou vulgaire) en passant par la case klezmer. Des cordes rondes, profondes et charnelles, d’un raffinement soyeux, remarquables pour leur modelé homogène, et leur engagement jusqu’au fond de l’archet. Et puis il y a la direction d’Ivan Fischer.
Le chef hongrois a appelé dès l’introduction de la Trauermarsch (« marche funèbre ») des trompettes d’apocalypse, dont la scansion tranchante et dramatique déchire l’espace comme un cri. Une promesse d’abîme qu’assouplit à peine l’entrée des cordes, dont l’élégance sans pathos émeut par sa retenue. Tout vit, et respire, et se meut, comme poussé dans une propulsion sans retour peuplée de dissonances rutilantes. La gestuelle d’Ivan Fischer est aussi sobre qu’efficace. Un simple mouvement du buste, un regard planté vers le point d’où jaillira la trajectoire d’un solo, un bras levé pour rassembler et ces mouvements souples du poignet gauche sculptant le phrasé d’une valse. L’osmose entre l’homme debout sur le podium et ses musiciens, dont le nombre semble déborder le plateau de La Grange au Lac sans que l’acoustique pourtant ne sature, est d’une évidence absolue.
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