LCP-AN – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Pour le réalisateur iranien Shooresh Afkari, la mort de l’étudiante kurde Mahsa Amini, le 16 septembre 2022, sous les coups de la police, « pour quelques mèches s’échappant de son voile », a été « l’injustice de trop ». Aussi a-t-il décidé de lutter en faisant ce qu’il sait faire : filmer et donner à voir l’histoire du mouvement contestataire « Femme, vie, liberté ». Avec l’aide de sa consœur française Virginie Plaut, à Paris.
Shooresh Afkari va finalement tourner durant plus d’un an et demi en Iran, au fil des rencontres avec celles et ceux qui espèrent faire chuter la République islamique, instaurée en 1979, et recouvrer la liberté de se déplacer, de s’habiller, de rire et de chanter à leur guise. En commençant par Mitra, étudiante en première année de comptabilité de 18 ans, qui s’obstine à sortir tête nue, malgré les risques, arborant sa coupe courte et ses piercings aux oreilles, pour retrouver Arash, le jeune homme de 19 ans qu’elle aime. Devant l’objectif, le couple confie ne plus supporter de devoir se cacher. « On ne peut même pas faire l’amour. »
Kaveh, chauffeur de taxi de 28 ans est, lui aussi, prêt à prendre tous les risques. Il pousse ainsi le réalisateur à filmer l’immeuble de « l’imam des prières du vendredi ». Au gré des actes de rébellion et des arrestations de Kaveh, le réalisateur va faire connaissance avec sa mère, Fatemeh. Perpétuellement inquiète, elle peste contre l’obligation de porter le hidjab, et continue de mettre du rouge à lèvres assorti à son vernis à ongles.
L’art comme acte de résistance
Le premier contact avec le docteur Sobhani a été plus compliqué. Il a fallu le mettre en confiance pour qu’il accepte de mener le réalisateur auprès des manifestants qu’il soigne clandestinement. Le film, qui mêle les images filmées aux illustrations de Thomas Headley, apporte un peu de poésie. Il montre aussi que les risques sont bel et bien réels. En dépit des précautions prises, comme l’utilisation d’un pseudo – Shooresh signifie « rébellion » en persan –, le floutage des visages et un cadrage des lieux qui empêche de les identifier.
Faute de repères, l’œil est attiré par des détails : un attrape-rêve dans la voiture de Fatemeh ; ces voitures, justement, presque toutes blanches et majoritairement des Peugeot ; le gros pinceau rond de Golbahar, 24 ans, jeune peintre qui incarne ici la résistance à travers l’art ; le « O + », que Sina écrit sur les murs, signant ainsi son annonce pour vendre un de ses reins. « Entre les sanctions économiques internationales et les dirigeants qui s’approprient le peu de richesse qu’il reste, la population s’enfonce dans la pauvreté », commente la voix off.
Après dix-huit mois de tournage, se sentant menacé, Shooresh Afkari est rentré. Montrer son film lui donne de l’espoir : « Dès la chute du régime islamique, je serai de retour dans mon pays. »
Iran, les visages de la colère, de Shooresh Afkari et Virginie Plaut (Fr., 2024, 52 min).