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C’est le moment pour Emmanuel Macron de jouer la meilleure partition de sa stratégie « indo-pacifique ». Le chef de l’Etat commence, lundi 21 avril, une tournée de cinq jours dans le sud-ouest de l’océan Indien où la souveraineté de la France est contestée sur plusieurs de ses territoires.

Le président de la République va réaffirmer les ambitions françaises de puissance régionale tout comme une volonté de coopération renforcée avec les Etats du sud-ouest de l’océan Indien. Après des étapes à Mayotte et à La Réunion, les deux départements aux avant-postes de la présence française dans cette zone, il se rendra à Madagascar et à l’île Maurice. Jeudi, il participera à Antananarivo, la capitale malgache, au cinquième sommet de la Commission de l’océan Indien (COI), qui réunit cinq Etats insulaires (Madagascar, Maurice, Comores, Seychelles, France au titre de La Réunion).

« La France a, certes, la puissance de feu, mais elle n’est pas forcément en position de force, pas forcément numéro un et, en tout cas, pas seule. Les compétiteurs sont présents et actifs », résume, à l’Agence France-Presse (AFP), Christiane Rafidinarivo, chercheuse au centre de recherches politiques Cevipof de Sciences-Po, à Paris.

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Grâce à ses multiples îles et îlots à travers les océans, la France possède le deuxième espace maritime du monde (10 millions de kilomètres carrés), dont 27 % dans cette partie du globe. Avec les îles Eparses (Tromelin, Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India), des « confettis » quasi inhabités – sans compter Mayotte, au Nord – elle contrôle plus de la moitié de la surface du canal du Mozambique, redevenu un carrefour stratégique du transport maritime international. Elle dispose également de moyens militaires, dont une base navale à La Réunion, et économiques conséquents par rapport aux pays riverains.

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Soutien russe aux revendications de Madagascar

Mais Madagascar revendique la souveraineté sur les Eparses tout comme les Comores sur Mayotte, qui s’en est détaché lors de leur indépendance, en 1975, pour rester française. L’île Maurice réclame, de son côté, Tromelin au nord de La Réunion.

« La France est dans une situation un peu plus contrainte qu’il n’y paraît », explique Denys-Sacha Robin, spécialiste en droit international de la mer à l’université Paris-Nanterre. « Ces demandes de rétrocession, c’est un enjeu d’identité nationale, un enjeu d’accès aux ressources et puis c’est un moyen de pression pour obtenir autre chose » de Paris, en matière d’immigration ou de sécurité.

Le canal du Mozambique renferme d’importantes réserves en hydrocarbures et halieutiques. Le rôle de la France y est désormais disputé par la Chine, qui investit massivement dans la zone, notamment à travers le développement de ports, et dispose d’une importante flotte de pêche. Les Etats-Unis, la Russie et l’Inde y renforcent également leur présence.

Russes et Chinois y ont mené des exercices militaires avec l’Afrique du Sud. La Russie, après avoir tenté en vain d’adhérer à la COI en 2020, a apporté son soutien à Madagascar dans sa revendication sur les îles Eparses, tout comme aux Comores, dont elle s’est rapprochée, pour Mayotte.

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« Le statut de Mayotte est extraordinairement instable. C’est une épine dans le pied de la France », estime Bertrand Badie, spécialiste de relations internationales à Sciences Po. Les Comores s’opposent aussi à son intégration à la COI, réclamée par les élus mahorais.

Face à ces résistances, Emmanuel Macron devrait s’en tenir à une ligne pragmatique, c’est-à-dire demander une « inclusion » progressive de Mayotte à la COI à travers des programmes de coopération notamment sur la santé.

« Pour la France, il s’agit de consolider des coopérations avec des Etats pour qu’ils ne deviennent pas hostiles, ne rentrent pas dans d’autres réseaux qui seraient hostiles », note Christiane Rafidinarivo.

A Mayotte, un projet de loi très attendu

Mayotte, département le plus pauvre de France, présente d’énormes fragilités, avec une importante pression migratoire en provenance des Comores et le cyclone Chido, le plus dévastateur depuis 90 ans, qui a mis à terre son économie en décembre.

Le chef de l’Etat, attendu lundi à 8 h 30 locales (7 h 30 Paris) à Mamoudzou, chef-lieu du département situé à 8 000 kilomètres de Paris, ira d’abord à la rencontre de la population, puis des représentants de la filière agricole avant de s’entretenir avec les élus mahorais sur le projet de loi de programmation très attendu de « refondation » de l’archipel. Ce texte, qui comprend un important volet de lutte contre l’immigration clandestine depuis les Comores et contre l’habitat illégal, sera présenté en vue d’une adoption d’ici à l’été par le Parlement.

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Une loi d’urgence, destinée à faciliter la reconstruction de Mayotte via des assouplissements aux règles d’urbanisme et de commande publique, a déjà été adoptée en février, deux mois après le passage du cyclone qui a fait 40 morts et causé 3,5 milliards d’euros de dommages. Le texte de « refondation » comprend, lui, des « mesures plus structurelles permettant le développement économique et social du territoire sur de nouvelles bases », selon le ministre des outre-mer, Manuel Valls.

Le projet de loi, attendu depuis plusieurs années par les élus mahorais, prévoit notamment un durcissement pour l’obtention du titre de séjour dans l’archipel, une aide au retour volontaire et entend faciliter les évacuations d’habitats insalubres et illégaux. Il prévoit également des mesures fiscales pour favoriser l’économie et l’emploi ainsi que des mesures de soutien à la jeunesse.

Après un discours de M. Macron, prévu à 17 heures locales, le texte sera entériné dans la soirée par un conseil des ministres spécial que le chef de l’Etat présidera en visioconférence depuis l’avion qui le mènera à La Réunion, l’autre département français de cette partie du globe, distant de quelque 1 400 kilomètres.

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Le Monde avec AFP

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