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Dans notre société qui se veut libérée des tabous, la maladie psychiatrique fait exception. Certes, la banalisation des préoccupations liées à la « santé mentale » tranche avec un long déni et la tendance à l’invisibilisation des personnes qui en souffrent. Le thème a même été labellisé par l’Etat « grande cause nationale » pour 2025. Mais ces progrès n’incluent guère la question du traitement des pathologies les plus lourdes, un domaine soumis à des injonctions contradictoires, entre soin et enfermement, entre protection des droits des patients et sécurité.

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Or la psychiatrie publique, secteur de l’activité médicale peu investi par les politiques et par les médias, vit, dans l’ombre, une crise profonde, documentée par l’enquête en trois volets sur « La santé mentale sans consentement » publiée par Le Monde. Crise générale d’abord, marquée par la quantité de postes de médecins vacants, plus de 20 % dans les hôpitaux publics. Crise identitaire ensuite, avec l’épuisement du modèle égalitaire de la « sectorisation » conçu dans les années 1960 pour assurer une prise en charge de qualité équivalente au plus près de chaque Français.

Loin de cet idéal, un Parisien dispose aujourd’hui de cinq fois plus de psychiatres qu’un habitant du reste du pays. Des lits sont supprimés faute de bras, tandis que l’accès de proximité se raréfie. Un quart des établissements publics spécialisés n’obtiennent même pas une certification franche de la Haute Autorité de santé. Dans ce système à bout de souffle, des établissements exemplaires coexistent avec d’autres aux méthodes ou aux équipements d’un autre âge.

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Tel est le cas dans le domaine le plus sensible de l’activité psychiatrique, l’hospitalisation contrainte, à la demande d’un tiers ou d’un représentant de l’Etat. Cette pratique, qui ne concerne pas moins de 75 000 adultes par an, s’est longtemps développée sans regard extérieur. Depuis une loi de 2011, elle fait l’objet d’un contrôle judiciaire. Mais cet examen se révèle essentiellement formel. Il en est de même de la loi de 2022, qui encadre les mesures d’isolement et de contention. De façon significative, ces textes destinés à empêcher les abus résultent, non pas de la vigilance des hommes et femmes politiques, mais de celle du Conseil constitutionnel, alerté par des plaignants, lequel a contraint les gouvernements à faire modifier les lois.

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Entre libertés et sécurité publiques, la question des droits des malades hospitalisés en psychiatrie échappe aux réponses simples. Fragiles médicalement, souvent précaires socialement, ces patients peuvent faire courir un risque à eux-mêmes ou à leur entourage. Mais une société se juge précisément à l’attention qu’elle porte à ses membres les plus fragiles. La nôtre a encore beaucoup à faire pour assurer un véritable contrôle des hospitalisations contraintes. Elle doit aussi ouvrir les yeux – ses élus au premier chef – sur la pratique de la « contention mécanique », héritage de pratiques du passé.

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Alors que plus personne ne lui prête la moindre vertu thérapeutique, la contention continue d’être utilisée avec des justifications qui vont du manque de personnel à la sécurité des patients ou des soignants. Le double constat de ses terribles séquelles et, à un autre niveau, de l’effet repoussoir qu’elle peut avoir sur les futurs médecins doit déboucher sur une abolition pure et simple. Déjà, certains hôpitaux l’ont bannie sans conséquences néfastes, selon les premières études. Pratiquée dans l’ombre ici, interdite là, la contention apparaît comme le symptôme le plus insupportable d’un système inégalitaire. Un symptôme à traiter d’urgence.

Le Monde

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