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Héritée du gouvernement précédent, la dette publique représentait plus de 100 % des recettes de l’Etat. La nouvelle Assemblée nationale ne pouvait plus compter sur la confiance des banquiers et des épargnants, échaudés par les crises précédentes et l’état déplorable des finances publiques. Les plus riches et la classe moyenne, dont les représentants dominaient l’Assemblée, étaient hostiles à toute augmentation d’impôt. Que faire ?

Le 2 novembre 1789, l’Assemblée nationale trouve la solution, en votant par 568 voix contre 346 une résolution selon laquelle « toutes les propriétés ecclésiastiques sont mises à la disposition de la nation ». Ces propriétés couvrent 6,5 % du territoire français, 10 % des terres agricoles, leur valeur représente près de la moitié du produit intérieur brut.

L’idée avait été suggérée dès août 1789 par le marquis de Lacoste et le comte de Lameth qui, en proposant que les biens de l’Eglise servent de garantie à la dette de l’Etat, cherchaient à épargner… les biens de l’aristocratie. Et lorsque Talleyrand, pourtant encore évêque d’Autun, reprend cette idée le 10 octobre 1789, l’Assemblée bascule : le clergé, lui-même divisé entre révolutionnaires et aristocrates, est l’acteur politique le moins apte à se défendre.

Un effet politique durable

Mais le nouveau régime a davantage besoin d’argent frais que de garantie d’emprunt. La loi du 14 mai 1790 organise la vente des biens de l’Eglise tout récemment confisqués, auxquels s’ajouteront, en 1793, ceux des aristocrates émigrés. Dix pour cent des ménages français deviendront acquéreurs de ces « biens nationaux ».

Si l’effet positif sur les finances publiques n’aura qu’un temps – le coût de la guerre et la dévalorisation des assignats auront à leur tour raison du budget de la République –, l’effet politique, lui, sera durable. C’est ce que montrent les travaux de deux économistes, Louis Rouanet (université du Texas à El Paso) et Ronan Tallec (université Paris Cité), présentés le 3 juillet à l’Ecole d’économie de Paris, qui ont corrélé, circonscription par circonscription, la valeur des biens nationaux vendus pendant la Révolution avec les résultats électoraux… à la fin du XIXe siècle, alors que la IIIe République naissante peine à contrer les partisans du retour de la monarchie (« Long Live the Republic. The Political Consequences of Revolutionary Land Redistribution », août 2024).

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Lors des différents scrutins, un point de valeur de plus des biens nationaux vendus diminue le vote monarchiste de 15 à 25 points. En l’absence de ventes de biens nationaux, les monarchistes auraient gagné 70 % des circonscriptions aux élections de 1876, qui virent dans la réalité les républicains l’emporter de justesse. De même, la plus forte valeur de biens nationaux diminue la religiosité catholique (de 25 % à 31 % par point) et accroît la religiosité protestante – et cet effet est encore visible en… 1947.

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