LCP – MERCREDI 15 JANVIER À 20 H 30 – DOCUMENTAIRE
« Je n’admets pas qu’on soit des potentiels de rentabilité pour ces grandes entreprises qui encaissent des millions, des milliards. On n’est plus des personnes humaines. Pour moi, c’est inadmissible. J’en souffre. » Denise Sestier, 97 ans, a consigné dans un cahier les dysfonctionnements de la colocation pour personnes âgées où elle a vécu plusieurs mois : une résidence gérée par la société Ages & Vie, propriété du groupe privé commercial Clariane (ex-Korian).
Mme Sestier est un témoin-clé dans l’enquête de Laurence Delleur et Nathalie Amsellem sur les bons comptes des groupes privés qui tiennent, en Europe, le marché florissant de la grande vieillesse.
DomusVi, groupe français très implanté dans la péninsule Ibérique, est accusé de mauvaises prises en charge des résidents dans ses Ehpad par de nombreuses familles, mais aussi par des salariées. Hold-up sur les vieux évoque la proximité de l’ancienne directrice espagnole de DomusVi, Josefina Fernandez, avec un dirigeant du Parti populaire (droite), qui a longtemps contribué à l’impunité du groupe.
Rythmes de travail effrénés
Au Royaume-Uni, des fonds d’investissement ou de capital-risque sont à la tête de groupes d’Ehpad qui exigent une forte rentabilité. Le groupe Four Seasons Health Care a changé quatre fois de propriétaire, avant d’être placé sous administration judiciaire en 2019.
En Allemagne, où le secteur de l’aide à domicile est très développé, les entreprises privées emploient entre 300 000 et 600 000 aides à domicile, des femmes aux horaires flexibles, souvent étrangères, moins bien payées que le personnel allemand, avec des rythmes de travail effrénés, en général peu compatibles avec une bonne qualité des soins.
Entre ces trois pays, un point commun : la puissance publique a délégué aux acteurs privés la prise en charge des très âgés. « On les a encouragés à entrer dans ce secteur. Et, aujourd’hui, on leur reproche de financer leurs actionnaires, mais c’est leur travail. C’est leur raison d’être », remarque l’économiste Ilona Delouette.
L’enquête fait l’impasse sur les manquements des maisons de retraite publiques. Mais elle alerte, de façon percutante, sur les dangers d’une Europe livrée aux « profiteurs de vieillesse ».
Les enjeux budgétaires ne sont pas seuls en cause. Le regard négatif de la société sur le grand âge encourage les gouvernants à ne pas leur accorder l’attention qu’ils requièrent. En Europe, le Danemark fait figure de contre-modèle. L’Etat et les communes y financent massivement les aides aux seniors, incités à vivre chez eux. Mais le modèle danois est critiqué dans le pays, car il coûte cher aux contribuables.
Hold-up sur les vieux, documentaire de Laurence Delleur et Nathalie Amsellem (Fr., 2024, 52 min).