Livre. Les célébrations du cinquantenaire de la chute de Saïgon, le 30 avril 1975, ont été l’occasion d’un rare discours d’ouverture du dirigeant du Vietnam, le secrétaire général du Parti communiste, To Lam. L’appel à ne pas « effacer les différences » et à « écouter les voix constructives » représente-t-il un changement de cap radical ? La lecture d’Histoire du Viêt Nam contemporain (La Découverte, 320 pages, 22 euros), dont paraît aujourd’hui une version augmentée, après la publication originale en 2017, convainc du contraire. Son auteur, l’historien François Guillemot décrit un pays très éloigné de l’image d’un bloc uniforme et monolithique.
Dès le début de la colonisation française, en 1858, le Vietnam a été le théâtre permanent de mouvements contraires et de projets antagonistes, occultés par le récit historique imposé par le Nord, où se concentre le pouvoir. L’auteur met ainsi en lumière les « autres » Vietnam méconnus : le Vietnam français, projet national avorté, basé sur une relation équitable avec la puissance coloniale ; le Vietnam américain, cette République du Sud-Vietnam, lieu de foisonnement culturel, intellectuel et religieux dans les années 1960-1970 ; le Vietnam capitaliste, brutalement réprimé lors de la réunification en 1975, avant d’être réhabilité une fois l’échec de la collectivisation constaté.
Evolution vers le pluralisme politique
Même s’il tente de réhabiliter le regard des « vaincus », François Guillemot se garde bien de tout portrait à charge du régime. Ce dernier, note-t-il, n’a jamais tenu sa domination pour acquise et a développé, au fil des années, une culture de la réforme permanente. La remise en question la plus fondamentale fut la politique du doï moï (« renouveau »), avec la réintroduction pragmatique d’une économie de marché, à partir de 1986. C’est sur ce succès, insiste l’auteur, que le Parti communiste a pu asseoir sa légitimité sur le long terme.
En 2013, le pays a pu par ailleurs ouvertement discuter d’une évolution vers le pluralisme politique, avant que les dirigeants communistes ne referment brutalement le débat. Plus récemment, le pays, très exposé au changement climatique, a engagé avec un certain succès sa transition énergétique, tout en embastillant les militants écologistes. « Le régime communiste a accompagné et suscité les différents mouvements d’opinion dans sa prise du pouvoir, les a repoussés souvent brutalement lorsque son pouvoir était contesté et les a peu à peu intégrés lorsque sa survie était en cause », résume François Guillemot.
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