Le dernier procès en date de l’affaire Weinstein se termine de manière confuse. Alors que les délibérations du jury sur des accusations de viol visant l’ex-producteur star de Hollywood étaient attendues jeudi 12 juin, la cour pénale de New York a finalement déclaré qu’elle annulait la procédure pour ce dernier chef d’accusation en raison de vives tensions entre les jurés lors des délibérations. Alors qu’une centaine de femmes ont accusé Harvey Weinstein de violences sexuelles au cours des dernières années, il n’a donc à ce jour été condamné qu’à deux reprises.
Ce qu’est l’affaire Weinstein
En octobre 2017, le New York Times et le New Yorker révèlent qu’une douzaine de femmes, actrices ou collaboratrices, accusent le fondateur et ancien directeur des studios Miramax Harvey Weinstein de harcèlement sexuel, agression sexuelle ou viol entre les années 1990 et 2015. L’épais silence entourant ces faits jusque-là tient en partie, selon le quotidien new-yorkais, aux indemnités versées par Harvey Weinstein à certaines victimes. Aux témoignages initialement publiés par les deux médias new-yorkais s’ajoutent les accusations de dizaines de femmes, dont les actrices Angelina Jolie et Gwyneth Paltrow.
Ces enquêtes journalistiques sont le point de départ du mouvement #MeToo. Elles déclenchent une vague inattendue de dénonciations de violences sexuelles dans le cinéma et bien au-delà, par des femmes du monde entier, en grande partie sur les réseaux sociaux. Elle débouche sur d’importantes mobilisations féministes toujours en cours, aux Etats-Unis et ailleurs, notamment en France, autour de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
L’affaire elle-même a prospéré sur le terrain judiciaire : plusieurs femmes ont porté leurs accusations contre le producteur devant les tribunaux, tandis que certains dossiers ont été réglés ou sont en cours de règlement à l’amiable. D’autres faits, enfin, ne font pas l’objet de procédures, notamment à cause de leur ancienneté et de l’expiration du délai de prescription. L’ancien producteur de 73 ans, détenu à la prison de Rikers Island à New York, plaide non coupable de toutes les accusations portées contre lui.
Les accusations devant la justice new-yorkaise
Harvey Weinstein est inculpé en 2018 pour viol et agression sexuelle contre Jessica Mann, à l’époque aspirante actrice, et Miriam Haley, ancienne assistante de production. La première l’accuse de viol dans un hôtel de Manhattan, en 2013 ; la seconde d’avoir été forcée à des relations sexuelles orales en 2006.
En février 2020, à l’issue d’un procès de quatre semaines très médiatisé, ponctué de manifestations militantes quasi quotidiennes devant le tribunal, le jury condamne Harvey Weinstein à vingt-trois ans de prison. Acquitté du chef d’accusation de comportement sexuel « prédateur », il échappe à la perpétuité.
Cette décision, confirmée en appel en juin 2022, est annulée en avril 2024 par la plus haute cour de l’Etat de New York (proche de la Cour de cassation française) dans un retournement de situation inattendu. La cour dénonce de « graves erreurs de procédure » et estime qu’Harvey Weinstein n’a pas eu droit à un procès équitable, puisque les avocats des victimes ont appelé à la barre pour témoigner des victimes présumées qui ne figuraient pas dans la plainte originelle.
Un nouveau procès s’ouvre donc en avril 2025 devant la cour pénale de Manhattan. Moins médiatisé, il réunit les mêmes protagonistes, à une différence près : l’ancienne mannequin polonaise Kaja Sokola (dont la plainte contre Harvey Weinstein date de 2019) a rejoint les deux premières plaignantes. Elle accuse le producteur d’agression sexuelle en 2006, alors qu’elle avait 19 ans.
Le Monde
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Après six semaines de procès parfois tendues, Harvey Weinstein est reconnu, mercredi 11 juin, coupable d’agression sexuelle contre Miriam Haley, et « non coupable » de ce même chef d’accusation contre Kaja Sokola. En raison de fortes tensions au sein du jury, le juge a déclaré nulle la procédure concernant Jessica Mann. Un troisième procès devrait donc être organisé pour examiner ses accusations de viol.
Les accusations devant la justice californienne
Le deuxième procès pour viol et agression sexuelle visant Harvey Weinstein s’ouvre à Los Angeles en 2022. Poursuivi par quatre femmes témoignant de manière anonyme, ce procès se solde en février 2023 par un verdict partagé : les jurés acquittent l’ancien producteur des accusations d’atteinte sexuelle contre l’une des plaignantes et échouent à parvenir à une décision pour deux autres. Harvey Weinstein est en revanche condamné à seize ans de prison pour le viol de la quatrième plaignante, Evgeniya Chernyshova, qui révélera quelques semaines plus tard son identité. Une peine qu’il doit purger, indépendamment du verdict new-yorkais.
M. Weinstein a fait appel de sa condamnation en juin 2024. Des juristes et associations de victimes de violences sexuelles craignent que cette décision soit remise en cause comme celle de la justice new-yorkaise. En effet, le tribunal californien a lui aussi laissé témoigner des femmes bien que les faits décrits n’aient pas fait l’objet de poursuites pénales.
Des poursuites abandonnées à l’étranger
Harvey Weinstein a également fait l’objet de poursuites à l’étranger. En 2022, le parquet britannique autorise son inculpation pour des faits d’agressions sexuelles datant de 1996. Il risque alors l’extradition vers le Royaume-Uni. Mais ces poursuites sont abandonnées en septembre 2024, le parquet faisant savoir dans un communiqué qu’il n’existait « plus de perspective réaliste de condamnation » dans cette affaire, sans préciser pourquoi.
De nombreux règlements financiers à l’amiable
A l’approche de son premier procès au pénal, en 2019, Harvey Weinstein signe un protocole d’accord pour mettre fin aux poursuites civiles d’au moins une trentaine de femmes qui l’accusent de violences sexuelles, en échange d’une indemnisation financière. Cet accord, validé par la justice en 2021, était pour de nombreuses victimes la seule voie possible, en raison de la prescription ou parce que les agissements d’Harvey Weinstein n’étaient pas susceptibles de faire l’objet d’une condamnation pénale. « Je n’aime pas particulièrement cet accord, mais je ne sais pas comment faire pour le poursuivre [Harvey Weinstein]. Je ne sais pas ce que je peux vraiment faire », avait alors déclaré l’actrice Katherine Kendall.