« Le Tertre » (The Mound), de H. P. Lovecraft, traduit de l’anglais (Etats-Unis) et préfacé par Laurent Folliot, Rivages, « Poche », 188 p., 8,50 €.
« Le Tour d’écrou suivi de L’Elève » (The Turn of the Screw), d’Henry James, traduit de l’anglais (Etats-Unis) et postfacé par Jean Pavans, Points, « Signatures », 256 p., 11,40 €.
« Vampirologie », d’Adrien Party, Hélios, 734 p., 12,90 €.
Alors que, crapahutant depuis des gouffres insondables ou tombant en piqué depuis l’outre-espace, Cthulhu et Yog-Sothoth, divinités lovecraftiennes à l’indicible hideur, viennent de faire, à la lueur de vingt-neuf récits, leur entrée dans « La Pléiade » sous la houlette de Philippe Jaworski (Récits, 1 408 pages, 69 euros), on aurait tort de ne pas orienter ses jumelles en direction du Tertre, longue nouvelle de H. P. Lovecraft (1890-1937) proposée par Laurent Folliot, par ailleurs un des maîtres d’œuvre de « La Pléiade ». Texte qui éclaire les âpres conditions de travail de l’auteur de Démons et Merveilles (1955) et initie au mieux à son univers. De fait, s’il y a un Lovecraft conteur et poète horrifique, un Lovecraft épistolier aux lettres fleuves, il existe également un Lovecraft consultant littéraire auprès d’écrivains fantastiques amateurs et, dans le cas présent, un Lovecraft ghostwriter. En effet, Le Tertre, paru en 1940 dans la revue Weird Tales, a été écrit en 1929 à destination d’une certaine Zealia Bishop (1897-1968), journaliste qui rémunéra Lovecraft le désargenté pour trois nouvelles.
Gare aux titres courts chez Lovecraft ! Otés, ces bouchons de cire libèrent souvent de noirs effluves, tels Air froid (1928) ou Le Festival (1925). Dont acte avec Le Tertre, centré autour d’une mystérieuse butte témoin localisée à Binger (Oklahoma), lieu de manifestations paranormales et surtout fatales à tous ceux qui, pioche à l’épaule et colt à la ceinture, tentent d’en avoir le cœur net en y allant fouiller. Le « cœur net » n’est pas lovecraftien et les audacieux s’en reviennent (s’ils reviennent) tous fous, mutilés, hagards, baragouinant un sabir infâme ou hoquetant des propos de folie. N’était le héros-narrateur qui, fort d’un talisman indien, passe enfin le « seuil » du tertre, découvrant sur place le témoignage écrit d’un conquistador espagnol révélant que, sous la mince pellicule terrestre, sous le fragile vernis de la civilisation humaine, s’édifient des mondes hallucinants que peuple une faune d’épouvante. Une entrée en matière idéale et abyssale au monde lovecraftien.
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