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« We Left Behind, and This Is the World. I Wish to Continue This World », lithographie de Chika Osaka,  2016.

Professeure de science politique au département d’études japonaises de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), dont elle est codirectrice, Guibourg Delamotte est chercheuse à l’Institut français de recherche sur l’Asie de l’Est (rattaché à l’Inalco). Elle est par ailleurs enseignante à Sciences Po Paris et chercheuse au Research Center for Advanced Science and Technology de l’université de Tokyo. Son dernier ouvrage, Le Japon. Un leader discret, a été publié chez Eyrolles en 2023.

Vous rentrez d’un séjour au Japon et en Australie : quelle vision ces deux pays ont-ils du Sud global ?

La notion de Sud global est floue. En dépit de son nom, elle ne renvoie pas à une région géographique, mais à des pays dont les structures socio-économiques ont hérité du colonialisme. Elle rassemble donc un ensemble hétéroclite de nations en situation de précarité ou émergentes, intégrées à l’économie mondiale. Leur point commun semble être une mémoire du colonialisme – qui se traduit par un rejet de l’Occident en tant que modèle et se conjugue à une volonté de ne pas se laisser entraîner dans les affrontements opposant les Etats-Unis et leurs alliés à la Chine ou à la Russie –, bien que Pékin revendique aussi faire partie du Sud global.

Cette neutralité supposée a en fait joué en faveur de Moscou, en affaiblissant l’efficacité des sanctions économiques adoptées contre la Russie. Mais on peut aussi souligner ce qu’avait de présomptueux ou d’hypocrite la stratégie occidentale : l’Occident, qui ne pèse plus que 40 % du PIB [produit intérieur brut] mondial, peut-il prétendre sérieusement faire plier la Russie sans rallier à sa cause davantage de soutien ? Le Sud global a pour porte-étendards la Chine et l’Inde. En septembre 2023, devant l’Assemblée générale des Nations unies, le vice-président chinois, Han Zheng, a ainsi déclaré que son pays s’identifiait aux objectifs et aux défis des pays les moins développés et qu’il leur offrait une alternative à l’« hégémonie de l’Occident ».

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Au sein du camp occidental, le Japon et l’Australie ont un contact souvent plus facile avec le Sud global : ils ne sont pas l’objet de la même appréhension de la part de ces non-alignés « nouvelle formule ». Tous deux ont certes un lourd passé colonial dans la région, mais ce n’est pas le cas ailleurs ou alors à une moindre échelle : l’Inde, l’Arabie saoudite ou le Brésil, par exemple, n’ont pas de contentieux historique avec le Japon ou avec l’Australie. L’Asie du Sud-Est pourrait en avoir avec le Japon, comme avec l’Australie (en Papouasie-Nouvelle-Guinée, par exemple), mais les ambitions hégémoniques de la Chine – conjuguées à des facteurs politiques internes à ces pays – contrebalancent ces considérations.

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