Alors que le groupe armé antigouvernemental M23 a progressé jeudi dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), l’armée ougandaise (UPDF) a annoncé, vendredi 31 janvier, qu’elle allait « renforcer ses défenses » à sa frontière, dans la même zone.
Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, est tombée ces derniers jours aux mains du M23 et de l’armée rwandaise, après une offensive de seulement quelques semaines. Mercredi et jeudi, le M23 et les troupes rwandaises ont progressé dans la province voisine du Sud-Kivu, vers la cité minière de Nyabibwe, à une centaine de kilomètres de Bukavu.
Dans un communiqué publié vendredi, l’armée ougandaise a déclaré qu’elle « adoptera[it] une posture défensive avancée (…) jusqu’à ce que la crise soit passée » et précise que l’objectif est « de dissuader et d’empêcher les nombreux autres groupes armés négatifs opérant dans l’est de la RDC d’exploiter la situation, et de protéger et de sécuriser les intérêts de l’Ouganda ».
L’armée ougandaise cite nommément le groupe armé des ADF (Forces démocratiques alliées), à l’origine des rebelles ougandais majoritairement musulmans. Ils sont implantés depuis le milieu des années 1990 dans le nord-est de la RDC, où ils multiplient pillages et meurtres malgré le déploiement de l’UPDF aux côtés des Forces armées congolaises (FARDC). « L’UPDF, en collaboration avec les FARDC, (…) suit de près l’évolution de la situation sécuritaire et continuera de traquer agressivement les restes des ADF partout où ils vont », a-t-elle assuré.
Le M23 veut « marcher jusqu’à Kinshasa »
En 2005, l’Ouganda a été condamné par l’Organisation des Nations unies (ONU) pour violations du principe de non-ingérence alors que ses soldats étaient déployés dans la province congolaise de l’Ituri. Kampala continue d’y soutenir des groupes armés, selon l’ONU.
La situation humanitaire reste critique à Goma, et Internet, l’eau courante et l’électricité sont toujours coupés. Les affrontements ont fait plus de cent morts et près d’un millier de blessés. Ils ont aussi aggravé une crise humanitaire chronique dans la région où, selon l’ONU, plus de 500 000 personnes ont été déplacées depuis le début de janvier.
« Nous sommes très inquiets concernant la situation au Sud-Kivu, qui reste très volatile, avec des informations crédibles de l’avancée rapide du M23 vers la ville de Bukavu », a déclaré jeudi Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU.
Compte tenu de l’aggravation de la situation sécuritaire dans la région, le président congolais, Félix Tshisekedi, a toutefois refusé de s’avouer vaincu, assurant lors d’une adresse à la nation mercredi qu’une « riposte vigoureuse » est en cours. « Nous sommes à Goma pour y rester », a de son côté déclaré jeudi Corneille Nangaa, chef de la plateforme politico-militaire dont fait partie le M23, ajoutant : « Nous allons continuer la marche de libération jusqu’à Kinshasa. »
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Jusqu’à présent, les initiatives diplomatiques pour tenter de régler le conflit, qui dure depuis plus de trois ans, n’ont rien donné. La Belgique a demandé à l’Union européenne d’envisager des sanctions contre le Rwanda. Londres a menacé jeudi « d’un réexamen de toute l’aide britannique au Rwanda ». M. Tshisekedi a pourtant condamné « le silence » et « l’inaction » de la communauté internationale face à « la barbarie du régime de Kigali », mettant en garde contre « une escalade aux conséquences imprévisibles » dans la région des Grands Lacs.
Sommet d’urgence de la SADC
Il s’est entretenu jeudi avec le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, en visite à Kinshasa. Ce dernier s’est ensuite rendu à Kigali, où il doit rencontrer vendredi le président Paul Kagame pour demander « le retrait des troupes rwandaises » de l’est de la RDC.
La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui a des soldats déployés dans la région, a annoncé la tenue d’un sommet extraordinaire vendredi au Zimbabwe. Selon le média sud-africain Daily Maverick, elle pourrait y annoncer un retrait de la SAMIDRC, la force déployée depuis la fin de 2023 en République démocratique du Congo par la SADC.
La SAMIDRC comprend notamment 2 900 soldats sud-africains, ainsi que des militaires malawites et tanzaniens. Pretoria fournit également des soldats à l’autre force de maintien de la paix déployée en appui à Kinshasa, celle de l’ONU (Monusco). Les deux forces ont payé un lourd tribut aux affrontements de cette dernière semaine : dix-sept de leurs soldats, dont treize Sud-Africains, ont été tués. M. Kagame a mis la pression jeudi sur la SAMIDRC, estimant qu’elle n’est « pas une force de maintien de la paix » et n’a « pas sa place dans cette situation ».