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Histoires Web mercredi, novembre 27
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L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

1918. Edward Abbott, un jeune fonctionnaire britannique en poste à Rangoun apprend que Molly, à qui il est fiancé depuis huit ans, prévoit de le rejoindre. Il décide de partir, entamant un périple qui le mènera de la Birmanie à la Chine, en passant par les Philippines, le Japon et le Vietnam. La jeune femme, refusant de croire qu’il s’est enfui pour échapper au mariage, part à sa recherche en suivant méticuleusement ses traces dans les endroits où celui-ci est passé. Chaque trajet est ponctué, pour les deux Occidentaux, de rencontres imprévues, celle avec un rustre milliardaire américain tombé soudain amoureux de Molly, celle d’un vieux consul opiomane ou d’un prêtre catholique ayant perdu la foi, par exemple.

Le scénario, même si l’écrivain britannique n’est pas crédité au générique, est l’adaptation d’une très courte nouvelle signée par Somerset Maugham (1874-1965), l’un de ces récits teintés d’ironie mélancolique sur un fond de colonialisme conscient de sa vanité et de sa finitude. S’il fallait en tout cas raconter « de quoi parle » le nouveau film de Miguel Gomes – de retour au cinéma après le choc que furent, en 2015, sa trilogie Les Mille et Une Nuits puis Journal de Tûoa, tourné au moment du confinement, en 2020 –, c’est peut-être de cette manière qu’il serait possible de le faire. Sans pouvoir faire le tour d’une expérience formelle et sensible qui n’a pas de véritable équivalent au cinéma aujourd’hui.

Puzzle conceptuel

A l’origine, il y a des images documentaires prises par Gomes et son équipe lors d’un périple en Asie du Sud-Est, des plans sans scénario préconçu et un tournage interrompu par la pandémie de Covid-19. A l’arrivée, la redistribution discursive d’un matériau dès lors mis au service d’une narration originale. A moins que ce ne soit le contraire, c’est-à-dire la recomposition d’une trame romanesque s’adaptant aux images préexistantes. Grand Tour, qui a obtenu le prix de la meilleure mise en scène au Festival de Cannes, est un récit tragi-comique, picaresque et épique, tout autant qu’un mélange de sensations, un trip géographique et mental, un puzzle conceptuel. A mi-parcours, le récit nous ramène en arrière en changeant son personnage principal, passant de l’homme en fuite à la jeune femme obstinée, de l’échappée à la quête, du présent au passé.

En alternant le noir et blanc et la couleur, les séquences en studio, dans lesquelles évoluent les acteurs au cœur d’un espace volontairement artificiel, et celles filmées, aujourd’hui, sur les lieux mêmes qu’auraient, soi-disant, traversés les protagonistes, le cinéaste bricole un objet filmique volontairement déroutant. Les périples effectués par Edward Abbott et Molly sont narrés par diverses voix off, chacune avec sa musicalité propre, dans la langue du pays traversé. Le spectateur est ainsi sommé de faire un tour sur la petite grande roue (il y en a une, particulièrement artisanale, actionnée à la main, métaphoriquement filmée dès les premières minutes) des sentiments, irréconciliables, des personnages, le déni de la jeune femme et, peut-être, l’immaturité angoissée de son fiancé.

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