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« Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde », prédisait Brecht à la fin de La Résistible Ascension d’Arturo Ui. La formule, battue et rebattue, a pris une résonance nouvelle ces dernières années, avec la montée des extrêmes droites partout en Europe, et, au théâtre, les spectacles se multiplient qui abordent la question du nazisme ou du fascisme, devenant quasiment un genre en soi. Dernier en date de cette longue série, Grand-Peur et misères du IIIe Reich, du même Brecht, mis en scène par Julie Duclos, créé au Théâtre national de Bretagne, à Rennes, mardi 24 septembre, avant de partir pour une longue tournée.

Grand-Peur et misères est une œuvre peu montée de Brecht, et ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une pièce, mais d’une série de tableaux écrits par le dramaturge allemand entre 1935 et 1938, et directement taillés dans le réel, de manière quasi documentaire, à partir de témoignages ou d’articles de journaux. Ces scènes du nazisme ordinaire montrent, pour ceux qui en douteraient encore, comment la terreur s’infiltre dans la vie la plus intime et corrode les rapports professionnels, amicaux, amoureux et familiaux.

Continuum entre deux époques

L’analyse de la perversité du système est menée au rasoir, comme toujours chez Brecht, mais pour autant Grand-Peur n’est pas un matériau théâtral très facile à manipuler. L’ensemble n’a pas l’ampleur épique ni la théâtralité des grandes fables comme Arturo Ui. Les tableaux passent vite, qui nécessitent d’installer les situations et les personnages avec force dès le départ.

L’idée de Julie Duclos est évidemment de créer un continuum avec aujourd’hui, ce qu’elle opère grâce aux costumes signés par Caroline Tavernier, qui se déclinent subtilement entre les deux époques. Le très bel espace imaginé par le scénographe Matthieu Sampeur cite lui aussi les années 1930, avec ses hautes verrières de style industriel, et laisse toute la place à la fluidité de la mise en scène, qui déroule ses changements de décors sans heurts.

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Le cadre est donc bien posé. Pourtant Julie Duclos peine, à partir de là, à installer une représentation qui accroche, émeuve ou conduise à la réflexion sur l’intemporalité des mécanismes ici décrits. Les principales faiblesses du spectacle, ce sont le jeu et la direction d’acteur : un jeu qui sonne faux, bien souvent, comme s’il n’était pas trempé dans le réel – ce qui était déjà le cas, largement, dans Kliniken, le précédent spectacle de la metteuse en scène –, et des acteurs qui, pour certains, n’ont pas l’agilité ni l’intensité requises par l’exercice.

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