Georges Abdallah, dont la libération a été ordonnée jeudi 17 juillet par la justice, a salué la « mobilisation » de ses soutiens, déterminante à ses yeux. « S’ils ont accepté de me libérer, c’est grâce à cette mobilisation qui est ascendante », a estimé le militant libanais propalestinien lors d’un entretien dans sa cellule avec la députée Andrée Taurinya (Loire, La France insoumise), à l’occasion d’une visite de la parlementaire à la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), auquel l’Agence France-Presse (AFP) a pu assister.
Après plus de quarante ans dans les prisons françaises, la cour d’appel de Paris a ordonné jeudi la remise en liberté de Georges Abdallah, condamné en 1987 pour complicité d’assassinats de diplomates américain et israélien, et considéré comme l’un des plus anciens détenus du pays. Sa libération, « sous condition de quitter le territoire national et n’y plus paraître », interviendra le 25 juillet, a fait savoir une source judiciaire à la fin de l’audience non publique au palais de justice de Paris.
« Nous sommes très heureux de cette décision », a réagi depuis le Liban auprès de l’AFP son frère, Robert Abdallah. « Nous n’aurions jamais imaginé qu’il serait enfin libéré », a-t-il confié, se réjouissant que, « pour une fois, les autorités françaises se [soient] affranchies des pressions exercées par Israël et les Etats-Unis ». « C’est à la fois une victoire judiciaire et un scandale politique qu’il ne soit pas sorti plus tôt, à cause du comportement des Etats-Unis et de tous les présidents français » successifs, a déclaré devant la salle son avocat, Jean-Louis Chalanset.
Les Etats-Unis, parties civiles, se sont vigoureusement opposés à chacune des demandes de libération déposées par Georges Abdallah. Israël ne s’était pas manifesté pendant la procédure judiciaire, mais a « regretté » jeudi, par la voix de son ambassade à Paris, la décision de justice. « De tels terroristes, ennemis du monde libre, devraient passer leur vie en prison », a écrit l’ambassade dans un communiqué.
Le Liban, qui réclame sa libération aux autorités françaises depuis des années, s’est dit, par l’intermédiaire de son chargé d’affaires à Paris, « extrêmement satisfait ». « Nous l’attendions depuis longtemps », a déclaré M. Ziad Taan, ajoutant que « l’Etat libanais prend toutes les dispositions pour organiser son retour avec les autorités françaises » au Liban, où il est « le bienvenu ».
Durée de détention « disproportionnée »
Un membre de son comité de soutien lui a rendu visite en prison dans la matinée. « Il était très ému, il y a cette joie de retrouver sa famille qu’il n’a pas vue depuis quarante et un ans », a affirmé à l’AFP José Navarro. Mais il y a aussi « cette inquiétude » quant à ses conditions de retour, « pour la sécurité de sa famille », a-t-il ajouté. Et puis il va découvrir « un monde qu’il ne connaît pas. Même s’il avait toujours à cœur de s’informer, après quarante et un ans le monde a bien changé ».
Les détails de sa sortie ne sont pas encore connus. Selon plusieurs sources interrogées avant l’audience, il est prévu qu’il soit emmené par les forces de l’ordre à l’aéroport de Tarbes direction Roissy, où il prendra un vol pour Beyrouth. Le Liban avait écrit à la cour pour confirmer qu’il prendrait en charge l’organisation de son retour. Le parquet général peut faire un pourvoi en cassation, mais il ne serait pas suspensif, et n’empêcherait donc pas Georges Abdallah de rentrer au Liban.
Newsletter
« A la une »
Chaque matin, parcourez l’essentiel de l’actualité du jour avec les derniers titres du « Monde »
S’inscrire
Incarcéré en France depuis 1984, celui qui fut chef d’un groupuscule de chrétiens libanais marxistes soutenant les Palestiniens est libérable depuis vingt-cinq ans, mais a vu sa dizaine de demandes de remise en liberté échouer. Pour celle-ci, à quelques mois d’intervalle, le tribunal puis la cour d’appel s’étaient prononcés pour, estimant la durée de sa détention « disproportionnée » par rapport aux crimes commis, et jugeant qu’à 74 ans ce détenu « âgé » aspirant à « finir ses jours » dans son village du Liban nord ne présentait plus de risque de trouble à l’ordre public.
La cour avait cependant demandé à Georges Abdallah un « effort conséquent » pour indemniser les victimes, ce qu’il a toujours refusé de faire, se considérant comme un prisonnier politique. A l’audience du 19 juin, sans s’épancher sur la position de son client ni sur l’origine des fonds, son avocat avait informé les juges que 16 000 euros sur son compte en prison étaient à disposition des parties civiles.
Ennemi public numéro un
Aujourd’hui tombé dans l’oubli, Georges Abdallah était dans les années 1980 l’ennemi public numéro un et l’un des prisonniers les plus célèbres de France. Pas à cause de son affaire, mais parce qu’on l’a longtemps cru, à tort, à l’origine de la vague d’attentats de 1985-1986, qui a fait 13 morts dont sept au magasin Tati de la rue de Rennes.
Georges Abdallah n’a jamais reconnu son implication dans les assassinats des diplomates à Paris, mais les a toujours qualifiés d’« actes de résistance » contre « l’oppression israélienne et américaine », dans le contexte de la guerre civile libanaise et l’invasion israélienne au Liban sud en 1978.
Son groupuscule des Fractions armées révolutionnaires libanaises, dissous depuis longtemps, « n’a pas commis d’action violente depuis 1984 », avait toutefois souligné la cour, estimant que Georges Abdallah « représente aujourd’hui un symbole passé de la lutte palestinienne ».