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Les ministres de l’éducation, Elisabeth Borne, et de l’enseignement supérieur, Philippe Baptiste, qui ont reçu lundi 10 mars le président du groupe Galileo, ont annoncé qu’une inspection interministérielle serait missionnée « pour une plus grande transparence du fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur privés à but lucratif ».

Galileo Global Education, qui se présente comme le premier groupe mondial d’enseignement supérieur indépendant avec plus de 200 000 étudiants dans le monde, est au cœur d’une enquête journalistique qui décrit des dérives, avec un système pour maximiser les rendements.

Elisabeth Borne et Philippe Baptiste ont par ailleurs rapporté travailler avec la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, sur un « renforcement du dispositif Qualiopi qui conditionne l’obtention des financements de l’apprentissage ». Ce label Qualiopi, qui atteste de la qualité des prestations, « sera ainsi dans sa future version, plus exigeant s’agissant des critères d’évaluation de la qualité des formations », poursuivent-ils dans un communiqué.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « Les piou-pious, tu les serres, ils couinent un peu au début, mais ça passe ! » : les extraits du livre-enquête sur le groupe Galileo et ses « usines à étudiants »

« Graves allégations »

Philippe Baptiste avait précisé dans un entretien au journal Les Echos que l’objectif était « que ce label renforcé soit en place début 2026 ».

Galileo, qui rassemble environ la moitié de ses sites en France, détient des écoles comme le Cours Florent en théâtre, l’EM Lyon pour le commerce ou l’école d’art Penninghen.

Basé sur quelque 150 témoignages et des documents exclusifs, le livre Le Cube de Claire Marchal, paru mercredi, met en cause le fonctionnement de ce groupe, avec des frais d’inscriptions très élevés, des baisses de salaires des enseignants et du volume de cours, et parfois des entorses à la sécurité des étudiants, tassés dans des classes surchargées.

Le président de Galileo Global Education, Marc-François Mignot Mahon, avait été sommé de « venir au ministère s’expliquer » sur « les graves allégations dont fait l’objet le groupe qu’il dirige », avait affirmé Philippe Baptiste à l’Agence France-Presse jeudi.

Le Monde

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Le livre sort alors que deux propositions de lois ont été déposées pour mieux encadrer le secteur de l’enseignement privé lucratif, l’une du député PS Emmanuel Grégoire et l’autre du député Jean Laussucq (Ensemble pour la République). Les ministres « sont très attentifs aux deux propositions de loi », qui « vont dans le bon sens et feront prochainement l’objet d’échanges entre leurs auteurs et les ministres », selon le communiqué.

« Le Cube », de Claire Marchal : une enquête sur les « usines à étudiants » du groupe Galileo

C’est l’histoire de deux mondes qui n’auraient jamais dû se rencontrer : d’une part, des écoles d’enseignement supérieur ; de l’autre, des fonds d’investissement. En 2011, les bases d’un empire sont posées lorsque le fonds américain Providence Equity Partners acquiert l’école de mode italienne Istituto Marangoni et fonde la holding Galileo Global Education. Quinze ans après, le groupe – qui a été revendu en 2020 à d’autres fonds d’investissement pour un montant de 2,3 milliards d’euros – compte 61 écoles, 106 campus dans 18 pays et 210 000 étudiants sur la planète. Ce n’est qu’un début : Galileo a pour objectif d’atteindre le million d’étudiants dans les cinq années à venir.

Il a fallu deux ans à la documentariste Claire Marchal pour comprendre les ressorts d’une véritable machine financière que l’Etat français contribue à huiler à la faveur des aides à l’apprentissage et à la formation continue. Dans Le Cube (Flammarion, 384 pages, 22 euros), l’autrice, qui s’appuie sur des centaines d’entretiens et quelque 900 documents confidentiels, décrit l’obsession des managers de Galileo à augmenter les effectifs de leurs écoles, réduire leurs coûts, optimiser leurs rendements. La martingale porte un nom, « le Cube », le logiciel de gestion clients du groupe, un « outil informatique infaillible, conçu pour gérer les statistiques nécessaires à la satisfaction de sa soif de rentabilité ».

A chaque rachat d’école, Galileo procède à de lourdes modifications dans la gestion des ressources humaines, dans la pédagogie et dans les modes de comptabilité. Il suffit alors de quelques années pour détruire de l’intérieur de jolies marques connues du grand public comme Penninghen, Bellecour, Strate, le Cours Florent…

Mués en « usines à étudiants », ces établissements génèrent une casse énorme. En interne, il faut que les équipes se plient à la seule règle qui soit, celle de la rentabilité. Dans les salles de classe, bien trop remplies, le désarroi envahit des jeunes qui n’ont parfois pas de chaise pour s’asseoir ou qui subissent d’incessants reports de cours. Le tout en versant entre 5 000 et 10 000 euros par an.

Responsabilité des pouvoirs publics

Le violent contraste entre « la détresse de nombreux étudiants et la toute-puissance exponentielle de Galileo » est le fil rouge de Claire Marchal qui finit par interroger la responsabilité des pouvoirs publics. Car l’enseignement supérieur privé lucratif « est nourri de la main de l’Etat » depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : « Ils avancent main dans la main, travaillent ensemble, des cabinets ministériels aux conseils d’administration, de la haute fonction publique aux directions des groupes. »

Autour du président de la holding, Marc-François Mignot Mahon, gravitent Muriel Pénicaud, ancienne ministre du travail des gouvernements d’Edouard Philippe (2017-2020) et membre du conseil d’administration, Guillaume Pepy, ancien patron de la SNCF et président du conseil de surveillance d’EM Lyon Business School dont Galileo est actionnaire, ou encore, jusqu’en juillet 2024, l’ancien patron de l’AP-HP Martin Hirsch, qui a été vice-président de la multinationale.

Il manque à Claire Marchal une pièce au puzzle : malgré ses relances, aucun membre de la direction de la holding n’a répondu à ses questions. Les directions des écoles du groupe sont restées muettes elles aussi. Seul Olivier Aptel, qui dirige depuis la rentrée 2024 la Paris School of Business, a fait preuve d’un certain courage en déclarant être « sensible aux retours exprimés [par les étudiants], notamment en ce qui concerne les conditions d’enseignement et l’organisation administrative ».

Le Monde avec AFP

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