Le pape François est grand de ce qu’il a accompli, mais aussi de ce qu’il a échoué à faire. Quoi qu’il advienne après lui, on ne pourra plus contempler l’Eglise du même œil : le scalpel de son regard a laissé des traces, elles ne s’effaceront pas.
Jorge Bergoglio s’apprêtait à prendre sa retraite lorsqu’il fut élu pape. Depuis toujours, il détestait le Vatican, ses ors, son faste, son étalage invraisemblable de richesses. Il n’aimait guère non plus ce que l’Eglise avait fait de ses prélats, des mondains carriéristes coupés de la vie et des gens. Sans parler des scandales financiers et sexuels rangés sous les lourds tapis du Saint-Siège. Il se sentait plus abbé que pape – et abbé, il le resta, même au Vatican, où il célébrait chaque matin la messe dans une petite chapelle.
La surprise qu’il éprouva à l’issue du conclave l’orienta en confirmant son intuition : mis au service des Evangiles dès sa jeunesse, il allait, selon ses propres mots, « rendre l’Eglise aux Evangiles ». Son élection n’était pas l’accomplissement d’une ambition personnelle, mais l’intrusion d’un projet dans une institution fermée. En choisissant le nom de François, il donna une gifle symbolique à des siècles de papauté. Le saint des pauvres, des oiseaux et des lépreux entrait au palais.
Il s’en prit verticalement à la verticalité
D’abord, il accorda moins d’importance au clergé, ce qu’une bonne moitié lui reprocha. François se tournait vers chaque chrétien comme vers une lumière authentique. Je l’ai éprouvé lorsque je l’ai rencontré, seul à seul, dans sa bibliothèque : moi, homme très imparfait, chrétien encore plus imparfait, j’ai eu le sentiment qu’il me regardait comme un égal, légitime pour témoigner. Il ne se plaçait pas au-dessus – bien que son accomplissement spirituel fût immense et que son poste le lui eût permis. Loin de surplomber, il écoutait. D’ailleurs, ne m’écrivait-il pas en commençant par : « Cher frère » ?
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