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Histoires Web lundi, juillet 8
Bulletin

C’est une terre communiste, une mairie tenue d’une main ferme et généreuse par le Parti communiste depuis 1965. Le petit village de Flixecourt, 3 200 habitants, au milieu de la vallée de la Somme, entre Amiens et Abbeville, était aussi, pour François Ruffin, le député sortant, apparenté La France insoumise, un bout de son capital politique, patiemment labouré depuis sa première élection en 2017. Symboliquement, c’est dans les petites rues de la commune, au milieu des maisons en brique rouge, que le député, un des premiers promoteurs du Nouveau Front populaire au lendemain du choc de l’annonce de la dissolution, avait lancé sa campagne pour les élections législatives, au son joyeux de trompettes et de tambours. Las, la gamelle a été douloureuse au soir du 30 juin quand les résultats de la première circonscription de la Somme sont tombés : la candidate du Rassemblement national (RN), Nathalie Ribeiro Billet, est arrivée nettement en tête avec 40,7 % des voix devant François Ruffin avec 33,9 % et la candidate Ensemble, Albane Branlant (22,7 %), laquelle s’est désistée en sa faveur depuis.

A Flixecourt, symbole des gros villages du monde rural ouvrier, à la fausse indolence, le choc a été plus rude encore, et le maire Patrick Gaillard ne s’en remet pas complètement. « Ça fait mal », dit-il quatre jours et quatre nuits plus tard. L’arithmétique électorale est cruelle. En juin 2022, François Ruffin, avait obtenu 55,4 % des suffrages dans la commune, soit 513 voix, contre 24,8 % et 230 voix pour sa concurrente RN. Un bastion d’apparence solide. Le 30 juin, il n’a obtenu que 34,1 % des suffrages, soit 478 voix, contre 52,3 % et 734 voix pour la candidate d’extrême droite. Lui a baissé en nombre de voix, elle a multiplié par trois ses suffrages, un tremblement de terre à cette échelle. Comme dans plusieurs dizaines de communes de la circonscription, où Nathalie Ribeiro Billet a parfois dépassé 50 %, et même 67 % à Domqueur, un village de 300 habitants. Par sa fenêtre au premier étage de l’hôtel de ville, le maire montre des affiches du RN où figurent en gros les images du président du RN Jordan Bardella et de Marine Le Pen : « Le jour du vote, j’ai vu et entendu des électeurs demander : “Il est où le bulletin Marine ?” » Beaucoup de jeunes sont venus voter, ont remarqué les élus. Beaucoup de gens, aussi, dont les cartes électorales n’avaient jamais été tamponnées.

Les mêmes, probablement, votent communiste lors des élections municipales – pour les deux derniers scrutins, en 2020 et 2014, ils n’avaient, cela dit, pas eu le choix dans la mesure où une seule liste s’était présentée. « Le discours sur les immigrés, on l’entend beaucoup. C’est la peur de l’inconnu. La peur des étrangers que les télévisions présentent comme des méchants. Parce que pour les immigrés d’ici, ils me disent : oh, mais lui, c’est pas pareil. » La commune a subi, très brutalement, dans les années 1980, des fermetures d’usines avec l’effondrement du textile français. Une saignée sociale, économique et démographique dans une terre laborieuse, agricole et ouvrière, pauvre et moins diplômée. La peur de la chute sociale est restée gravée dans la mémoire collective, qui conduit ceux qui ont peu à perdre à craindre ceux qui sont trop pauvres pour avoir quelque chose à perdre – les immigrés. « J’ai vu des gens particulièrement aidés par la collectivité me dire qu’ils voulaient voter RN, témoigne encore le maire. Ils n’auraient jamais eu autant d’aide si le RN était au pouvoir et pourtant ils votent pour l’extrême droite. » Une respiration : « Ça fait mal. »

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