Pour débattre des moyens visant à « reprendre le contrôle des flux migratoires » et définir ses « orientations » en la matière, François Bayrou réunit, mercredi 26 février, une partie de son gouvernement, divisé sur le sujet, sur fond de tensions croissantes avec Alger.
A partir de 14 heures, une dizaine de ministres seront rassemblés autour du premier ministre pour un comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI). Ils discuteront notamment de « la maîtrise des flux migratoires » et des moyens « nationaux, européens et diplomatiques pour renforcer les contrôles », a appris l’Agence France-Presse auprès de Matignon. A l’issue de ce premier échange, prévu pour une heure, François Bayrou prendra la parole, selon la même source.
Les ministres de l’intérieur, Bruno Retailleau, des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, de la santé et du travail, Catherine Vautrin, du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, de la justice, Gérald Darmanin, et de la santé, Yannick Neuder, entre autres, aborderont également la transposition du pacte européen sur la migration et l’asile – adopté en mai et censé entrer en vigueur mi-2026 –, qui prévoit un durcissement du « filtrage » aux frontières et un mécanisme de solidarité entre les Vingt-Sept.
Créé en 2005, le CICI a été réactivé par M. Retailleau « dans le contexte d’une immigration importante » et « pour répondre aux attentes des Français en faveur d’une plus grande maîtrise des flux migratoires », par un décret du 22 janvier.
Annoncé à la fin de janvier puis reporté, ce rendez-vous se tiendra finalement après l’attaque survenue samedi à Mulhouse (Haut-Rhin), pour laquelle un Algérien de 37 ans en situation irrégulière est accusé d’avoir tué à l’arme blanche une personne et d’en avoir blessé sept autres.
« Il avait été présenté dix fois aux autorités algériennes pour que son pays d’origine accepte que nous le renvoyions chez lui. Les dix fois, la réponse a été non », a dénoncé lundi François Bayrou, qui juge « inacceptable » le refus d’Alger de reprendre son ressortissant, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Tensions entre Paris et Alger
Cette nouvelle affaire vient aggraver un peu plus les tensions entre Paris et Alger, qui a refusé à de multiples reprises ces dernières semaines de laisser entrer sur son sol plusieurs de ses ressortissants expulsés de France.
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La question algérienne devrait être au menu des discussions du CICI. Plusieurs solutions ont été évoquées ces dernières semaines, mais elles divisent profondément le gouvernement entre les partisans du « rapport de force », à l’instar de Bruno Retailleau, et ceux de la voie diplomatique, comme Jean-Noël Barrot.
Ainsi, le ministre de l’intérieur a récemment plaidé pour « priver un certain nombre de personnalités de la nomenklatura, de diplomates » des « facilités » dont ils bénéficient actuellement. Le chef de la diplomatie, Jean-Noël Barrot, a annoncé, mercredi sur France 2, qu’il allait proposer que les délivrances de visas soient réduites « par tous les pays européens en même temps » pour les Etats qui ne reprennent pas leurs ressortissants expulsés. « Quand on le fait à titre national, malheureusement ça ne fonctionne pas », a-t-il plaidé.
« On n’est pas obligés d’avoir des visas en quantité aussi importante », a, pour sa part, affirmé lundi la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, en suggérant de « cibler un certain nombre de personnes qui sont importantes dans les relations [franco-algériennes] et ne plus leur donner de visas ».
Le ministre de l’intérieur est allé plus loin en suggérant, comme Edouard Philippe et Gabriel Attal, de « remettre en cause de façon plus générale [l’]accord » avec l’Algérie de 1968.
« La question n’est pas forcément d’être aussi abrupt que ça, mais en tout cas la question doit être posée aux Algériens de la réciprocité », a jugé, mardi, Marc Fesneau (chef de file des députés MoDem et proche du premier ministre), sur France 2. « Nous avons tendu beaucoup de fois la main auprès de nos amis algériens, et beaucoup de fois cette main n’a pas été saisie », a-t-il encore relevé, en ajoutant qu’« il faut peut-être changer de registre et de braquet ».
« Dire “j’arrête les visas pour un pays donné”, ça ne fonctionne pas », a, à l’inverse, insisté dimanche Jean-Noël Barrot. « Lorsqu’on a réduit les visas, on était à 800 » expulsions par an, mais « lorsqu’on a engagé une coopération exigeante, on a multiplié par trois les expulsions », a-t-il illustré.